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La Gazette de Triniach

La Gazette de Triniach
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24 octobre 2021

Les moulins de LATOUR

 

         Avant de commencer mon propos, permettez-moi un brin d’histoire, et le rappel de quelques dates pour vous situer le contexte et vous permettre ainsi de mieux appréhender l'histoire de nos moulins.

       Dès le début du XIVe siècle plusieurs moulins sont mentionnés à Latour de France. Il s’agit de moulins banaux, aux mains des familles seigneuriales du village : dans un premier temps, les vicomtes de Fenouillet puis, par lettre patente du 2 décembre 1342 et saisine de la seigneurie par le roi de France Phillipe VI de Valois qui donne la localité de La Tour de France à Bernard Guillaume du Vivier qui ainsi en devient le premier seigneur.

      En 1307, une concession royale autorise le creusement du canal de Latour de France (canal dit de La Balme). Sa prise d’eau est sise en amont du confluent de l’Agly avec le ravin des Canorgues / Chanoines à Planèzes. Les travaux furent initiés vers 1330 par Bernard-Guillaume du Vivier. C’est d’ailleurs à cette époque que fut creusé le tunnel de la Balme permettant d’amener l’eau de l’Agly (le fleuve royal) coulant bien en dessous du village, jusqu’aux moulins situés en contrebas de celui-ci. 

      Guillaume de Belcastel réaménagera le canal de la Balme en 1443.

 

 

L'histoire de nos moulins

     Un document en latin du fonds de la sénéchaussée de Carcassonne daté de 1389 (ADPO, 80 Edt I. 1389), mentionne l’hommage rendu au Roi de France par Gaillarde du Vivier, qui tient pour ce dernier un moulin à farine, un moulin drapier et un moulin à huile.

     En 1539, la seigneurie est aux mains de Jean de Voysins, également seigneur d’Arques : un document mentionne un moulin bladier (item le moli del blat...) et un moulin à huile (item le moli del oli…). C’est à cette époque que les premiers baux conservés, dans les minutiers des notaires du Fenouillèdes, ou rapportés par les historiens, nous apportent quelques précisions sur les moulins de Latour.

 

 

PROPRIÉTAIRES, BAILLEURS, FERMIERS, ET FAMILLES DE MEUNIERS

 

        Le 6 janvier 1760, Blaise de Montesquieu adresse au marquis de Roquefort une dépêche pour l’informer, entre autres, que le fermier Louis Trilha a réglé l’afferme des moulins, cette dernière se montant à 2028 livres.

         Le 26 novembre 1765, la seigneurie et les moulins de Latour de France sont affermés à Bernard Trilha, « burgès » et négociant de la ville de Perpignan, pour une durée de 6 ans à compter du 1er septembre 1764 moyennant la somme annuelle de 5300 livres.

         Dans une lettre en date du 11 juillet 1770, M. Mailhaux, l’agent de M. de Montesquieu lui conseille de ne pas donner suite à l’offre du dénommé Sibioude, qui propose 6000 livres pour le prochain bail de la seigneurie.

         Deux mois après, le bail est renouvelé pour 7 ans à compter du 1er septembre 1770, à Louis Trilha, et à Marc Bierne, moyennant la somme de 6000 livres, (AD Aude 7 J 29).

        Pierre-François D’Hautpoul époux de Marie de Montesquieu, afferme, le 1er septembre 1777 la seigneurie et les terres à Vincent Pech, Alexis Trilha, ménagers, et Alexandre Itché, marchand de Latour, pour une durée de 6 ans moyennant une rente annuelle de 8000 livres, et 2 charges de vin, (AD Aude 7 J 55).

       Le 15 mai 1779, Marie de Montesquieu-Roquefort, épouse de Pierre-François d’Hautpoul, seigneur de Rennes-les-Bains et héritière de son frère Blaise de Montesquieu-Roquefort seigneur de Latour de France, vend la seigneurie (dont les moulins à bled et à huile avec leurs adjacences) à Joseph-Hugues d’Arnaud écuyer de Perpignan, pour la somme de 210.000 livres.

 

 

. Les d’Arnaud.

 

     Avec la famille d’Arnaud, une nouvelle ère de l’histoire du moulin de Latour de France débute Mais qui sont-ils ?

     Une étude généalogique montre que cette famille est issue du Languedoc.

   Joseph Hugues d’Arnaud et Barescut est le fils d’Antoine Arnaud, qualifié dans les actes de « Receveur de la capitation dans la Province du Roussillon ». Il décéde à Perpignan le 20 septembre 1774. Il avait épousé à Narbonne, le 29 février 1724 Marguerite de Barescut, fille d’Hugues de Barescut (Docteur en médecine de la faculté de Montpellier) et d’Anne de Gay.

  • Il est dit « Conseillé du Roi, greffier au Conseil Souverain du Roussillon et Seigneur de Latour de France ». Son fils Jean-Baptiste dit Bernard, sera conseiller de préfecture, maire de Perpignan et député des Pyrénées-Orientales entre 1809 et 1838.

     Dans l’inventaire départemental de l’an VII, un moulin est répertorié à Latour comme suis : « Nous nous sommes transportés à un moulin à farine à deux meules, à la distance de 250 mètres de Latour, sur canal d’irrigation prenant l’eau sur la rive droite de l’Agly par une digue simple en fascine, ledit canal traverse la montagne sur laquelle est situé Latour par une percée dans le rocher de 100 mètres de longueur. Ce moulin est la propriété du citoyen Arnaud habitant de Perpignan. Au fuyant dudit moulin nous avons trouvé deux meules à huile contigües, lui appartenant ».

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Moulin à huile, à meule contigu

    Cet extrait présente l’avantage de situer parfaitement le moulin par rapport au village et à l’Agly, de préciser comment il est alimenté en eau et d’indiquer qu’il est équipé de deux meules. Un moulin à huile situé en aval complète le site.

      Le moulin, sera régulièrement affermé, les d’Arnaud en seront maîtres pendant près de cinquante ans (1779-1827).

    Faisant suite à la Révolution, la destruction d’archives seigneuriales a débuté en 1789, parfois même avant. Elle intervient plus tardivement à Latour de France, au sortir d’une année périlleuse pour la République et en référence, selon le conseil communal, au décret du 17 juillet 1793 ordonnant l’abolition définitive et sans indemnité des droits féodaux et seigneuriaux.

     Le 05 janvier 1794 (16 Nivôse de l’an 2), le notaire et juge de paix Bauby, dépose au greffe de la municipalité, de nombreux actes féodaux concernant Latour, Planèzes et Rasiguères. Les actes de Rasiguères lui avaient été remis deux ans auparavant par un Du Vivier de Lansac pour qu’il soit portés à la connaissance des habitants. Agissant pour l’ancien notaire P. Gironne domicilié à présent à Perpignan, il remet aussi les actes concernant Latour, Planèzes, Bélesta et Montalba. Quelques particuliers déposent également les actes de reconnaissances qu’ils détenaient.

     Tous ces documents sont brûlés le jour même sur la place de la République, en présence du conseil général de la commune, des notables et de la population, sous les acclamations et aux cris de « vive la République, vive la Convention ».

     Quinze jours plus tard, pour fêter la prise de Toulon par les armées Républicaines, la même assemblée et les officiers municipaux, précédés d’un détachement de 18 fusiliers, suivis des notables et de la population, se rendent à la Capeillette où un feu de joie est allumé. Vingt baux emphytéotiques, ainsi qu’une transaction entre les habitants de Bélesta et leur seigneur, déposés par le même notaire sont jetés au feu.

      Il est fort probable, que les fusiliers présents à ce feu de joie, devaient appartenir au bataillon du Gard, dont certains éléments furent invités peu après, à Latour de France pour la plantation d’un arbre de la Liberté.

      En 1818, Bernard d’Arnaud propriétaire de l’ancienne seigneurie, fit référence à ces faits lors du procès avec la communauté qui revendiquait la propriété des vacants, précisant que les soldats avaient brulé les vieux papiers de la commune conservés dans un coffre, et que les titres que la commune pouvait avoir sur les dits vacants, avaient ainsi disparus, (ADPO 80 EDT 26 – délibération du 06-12-1818).

     Le sieur Arnaud se pourvoira en cassation avant de conclure un accord avec la commune qui se verra attribuer le tiers de ces vacants dont un bois de 60 ares situé au Moulin Nau, bois qu’elle exploite depuis plusieurs années.

      Une visite de tous les cours d’eau des P.O, des moulins et des usines, fût prescrite par arrêté du directoire le 19 Ventôse an VI (09 mars 1798). Effectuée à Latour de France le 2éme jour complémentaire de l’an VII (18 septembre 1799), elle mentionne que le moulin à deux meules, appartient toujours au sieur Arnaud de Perpignan, ainsi que les deux moulins à huile contigus. (ADPO 14 Sp 2. liasse 159).

     Le 20 brumaire an X (11 novembre 1808), Bernard Arnaud intente un procès au civil contre Louis Paul Coronnat, Pierre Gironne notaire, et Louis Trilha tenancier, pour manquement d’entretien du canal et de sa chaussée. La commune, assignée par les intéressés prend fait et cause pour eux, et désigne un syndic pour engager les démarches.

    Un jugement arbitral mettra fin au litige, la communauté devait un arriéré de la rente annuelle afférente à l’entretien du canal portant sur les ans IV, V et VI, estimé à la somme de 578,70 francs. (ADPO 80 EST 29 – délibération du 7 germinal an X).

     Par bail en date du 10 septembre 1810 le moulin est affermé pour huit ans à messieurs Baptiste Caux (meunier), Guillaume Rigaud (garçon meunier) habitant d’Estagel, et André Rigaud père, meunier à Bélesta-les-Peignes (Ariège) ». La rente annuelle est fixée à la somme de 2280 francs, payable au trimestre en pièces métalliques. Il s’agit toujours d’un moulin à deux meules, et sa chaussée en bon état, est constituée : « de chevalets, de barres de bois, et de fascines, bien chargées de gros cailloux ».

     Ce bail est résilié 2 ans après sans que la raison en soit connue. Bernard Arnaud renforce la capacité du moulin en y ajoutant, une troisième paire de meules.

     Le 15 septembre 1812, le moulin est loué avec un champ attenant, pour 2500 franc an et pour une durée de six ans et trois mois à messieurs Jean Bieules meunier de la ville de Quillan et Pierre Cavailler propriétaire de Saint-Paul-de-Fenouillet.

     Le 5 avril 1821 un nouveau bail donne l’affermage pour une durée de 15 ans à Joseph Casse, meunier à farine domicilié à Baho, fils d’un meunier de Salvezines (Aude), il fût meunier à Tautavel, au Soler (1806) à Baho (1818-1822) et à Latour de France, où il décèdera en 1829, sans avoir achevé son bail.

 

 

. Les Capela.

 

     Par acte du 3 avril 1827, Bernard d’Arnaud vend à part égales, le moulin et ses dépendances à Joseph Capela père et à son fils, propriétaires, demeurant à Lansac, où ils possèdent 277 ha soit 52% des terres de la commune, dont la Tour de Lansac et les terres alentours au lieu-dit le Castell. Originaire de Prats-de-Sournia, la famille Capela n’étant pas des meuniers professionnels, ils donneront le moulin en afferme.

     En 1821, Joseph Capela fils, épouse Marie Grand d’Ansignan, fille de Jean dit Pierre Grand et de Marie Pézilla. Jean, le père, est aubergiste et propriétaire du moulin de Caramany, et les frères de Marie, Joseph-Théodore, Pierre et Benoit sont meuniers à farine.

     En 1836, un autre fils de Capela, à savoir Pierre Capela, avait sollicité de la Préfecture l’autorisation de construire un moulin à plâtre attenant au moulin farinier de son père dont il utiliserait la chute. (ADPO 13 SP 26). Il obtient satisfaction. Non sans difficultés, Joseph Capela père et fils conserveront le moulin pendant seize années. Le 18 juin 1843, ils le revendront à Messieurs Léon Cyriaque Vidal et Pierre Capela, acquéreurs conjoints et solidaires.

     En 1840, un autre meunier exerce à Latour de France. Il s’agit de Simon Casenove, meunier et armurier, propriétaire du moulin à vent construit par son père Jean Casenove, au lieu-dit « le Ramier » (ADPO 80 EDT 80 – autorisation municipale du 17-09-1840).-

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Le moulin à vent du Ramier -

     Des dettes et une rentabilité du moulin à vent sans doute insuffisante, amène Simon Cazenove à vendre le 17 novembre 1850 le mécanisme à Joseph Arnaud, horloger à Port Vendres, pour la somme de 900 francs, lequel agissait, d’après l’acte de vente pour une cause autre. L’acheteur se charge de payer le prix de la vente à Anne Antoinette d’Oms, veuve d’Adrien Anglade de Perpignan, en diminution d’un capital plus important que le vendeur doit en qualité d’héritier de son père Jean Cazenove. (ADPO 3E42/197-J.B.Cussol notaire à Latour de France).

     Le mécanisme comprend, les meules, le cadre en bois dans lequel est assujettie la meule fixe, l’ariscle (tambour couvrant la meule), la trémie, la charpente soutenant le tout, la colonne dans laquelle un des axes est placé, les voiles ainsi que l’arbre qui les supporte, les roues et les engrenages divers ainsi que les ustensiles dépendant de la mécanique. Les trois poutres soutenant le plancher ainsi que les deux poutres soutenant la toiture de la bâtisse ne sont pas comprises dans la vente. Néanmoins, notre vendeur, Simon Cazenove n’abandonnait pas pour autant, la meunerie, puisqu’il avait sollicité, le 6 septembre 1849 l’autorisation de construire un moulin farinier à eau au lieu-dit du Ramier, en amont du pont routier de Latour. Deux opposants se manifestent, dont Frédéric Biscaye meunier et propriétaire du moulin existant.

      Le 11 septembre 1849, le conseil municipal de Latour se prononce contre la construction de ce nouveau moulin.

    Le maire de Claira, informé du projet par Monsieur le Préfet, intervient également le 18 septembre 1849 auprès de celui de Latour, pour souligner que si l’arrosage des terres de sa commune devait en être affecté, il s’opposerait à sa réalisation.

     Finalement, Simon Cazenove renoncera le 29 avril 1851 à cette construction.

 

 

. Les Biscaye.

 

     Messieurs Vidal et Capela n’ayant jamais payé le moulin, le recours déposé en 1843 par Joséphine Arnaud, veuve D’Uston, aboutit en 1849 à la vente judiciaire du dit moulin de Latour, du canal et de quelques terres.

     Mis aux enchères et vendu à la criée par le Tribunal civil de Perpignan lors de l’audience du 1er août 1849 : la vente nous est connue par une quittance de 310,43 francs, signé par Appolline Canavy, épouse de Pierre Capela (séparée de biens judiciairement d’avec son mari). Le tout est acquis pour la somme de 27400 francs, par Frédéric Biscaye, meunier, demeurant à Latour de France « en sa qualité d’adjudicataire d’immeubles et terres vendus au préjudice, tant de Léon Vidal, que du dit Pierre Capela ».

      Le moulin entre ainsi dans le giron de la famille Biscaye, dont les ancêtres étaient déjà meuniers à Latour de France.

     Cette famille implantée dans le village depuis le XVIIe siècle, est vraisemblablement originaire du Languedoc Les Biscaye sont des meuniers de père en fils depuis des générations tant dans l’Aude que dans les Pyrénées-Orientales.

    En l’an XIV, Etienne Biscaye, meunier à Sournia, épouse Marie Mathieu, fille de Jean-Pierre Mathieu, meunier à Maury et à Saint-Paul-de-Fenouillet. Alexis, et Valentin, frères de l’épouse, sont également des meuniers, et Frédéric Biscaye, fils du couple, qui épouse en 1836 Josèphe Faget l’est aussi.

    Le 10 janvier 1872, sa veuve donnera à ses deux fils (meuniers) Antoine et Joseph, la moitié du moulin. L’autre moitié, revient à leur frère, Frédéric dit François et à leur sœur Joséphine, épouse de Justin Marie, greffier à Thuir.

    L’acte décrit : « une usine appelée le moulin de Latour sise sur le territoire de Latour de France composée d’un moulin à farine, de divers locaux servant d’habitation, d’une cave mais aussi d’écurie, de grenier à foin et d’une cour… le tout ne formant qu’un corps de bâtiment, qui confronte au ruisseau dit de la Plaine (ledit ruisseau appartenant à Madame Jouy d’Arnaud) et au chemin de grande communication numéro neuf.

     Le 25 août 1874 et le 18 janvier 1876, Antoine (meunier) et Joseph Biscaye (garçon boulanger) rachèteront à leur frère et sœur le reste du moulin : « les vendeurs, cèdent à leurs frères leur partie de droits indivis sur l’héritage de leurs parents, y compris sur le moulin de Latour, son canal d’amenée et ses dépendances ». Cette partie avait été attribuée, lors du partage de 1872, aux quatre héritiers de feu Frédéric Biscaye et de Josèphe Faget son épouse.

     Voilà donc maintenant les frères Biscaye copropriétaires du moulin. Mais ils ne le resteront que quelques années.

    Le 6 septembre 1878, ils revendent, le moulin à un groupement de quatorze propriétaires constitué de messieurs : Justin Cazenove, Paul Bourdaneil-Cazonat, Félicien Alquier de feu Jacques Léandre Piéchon, Paul Abet-Barbaza, Jean Sol, Alexandre Bosc, Louis Vidal, Sébastien Rousset, Baptiste Renous, Joseph Piéchon, Charles Jourda, Auguste Cazenove, Célestin Moulina, tous propriétaires et domiciliés à Latour de France.

 

Du moulin de farine à l’usine hydroélectrique et à celle de feldspath.

    Enfin de compte, les deux frères n’auront pas fait une si mauvaise affaire que ça, puisqu’ils pourront poursuivre l’exploitation du moulin à farine pendant un an de plus sans avoir à payer un fermage, à charge pour eux d’entretenir la chaussée du moulin. Ainsi donc pourront-‘ils l’esprit serein préparer leur reconversion. Le prix de vente exigible le 6 septembre 1879 est fixé à 16000 francs. 

   La période d’un an achevée, les seize propriétaires (deux nouveaux acheteurs : Charles Bourrat et Nazaire Pla, ayant rejoint l’association des quatorze premiers) louent le 22 septembre 1879 et pour 4 ans à Antoine Not, propriétaire à Latour de France et à son épouse, Catherine Benassi : « Un moulin à eau, situé, sur la commune de Latour de France, connu sous le nom du moulin de Latour, garni de quatre paires de meules, dont trois à grain et une à plâtre, avec tous ses tournants, travaillants, bluteaux, vannes et ustensiles servant à son exploitation ». Le montant de la location est fixé à 2000 francs par an, payable par trimestre anticipé de 500 francs. Le locataire du moulin est autorisé à mettre son bois dans le pailler de la maison attenante, mais elle n’est pas comprise dans la location.

     Le fonctionnement de l’association s’avèrant sans doute plus délicat que prévu, le 22 octobre 1879, soit un mois avant la fin du bail, les propriétaires, désormais au nombre de 17, vendent le tout pour la somme de 16000 francs avec jouissance immédiate à Antoine Not leur locataire.

    Domicilié au village dont il est conseiller municipal. Il exploitera lui-même le moulin jusqu’au 30 août 1894, date à laquelle, il le cède pour la somme de 22000 francs, à Madame Joséphine Catherine Lalanne. Le bien est grevé d’une hypothèque de 16000 francs au profit de Louis Chauvet, propriétaire et clerc de notaire demeurant à Latour de France.

    Madame Lalanne, paie 6000 francs le jour de la vente et s’engage à verser à Mr Chauvet dans l’année qui suit, les 16000 francs restant pour lever l’hypothèque.

    La nouvelle propriétaire, envisage de créer sur le site, une usine hydroélectrique.  Pour ce, elle constitue avec un associé, Mr Paul Massota électricien d’Elne, « La société Roussillonnaise d’électricité ». 

    L’unité de production électrique de Latour, commence à fonctionner en 1895. Bizarrement, les statuts de la société d'exploitation (La société Roussillonnaise d’électriciténe) ne seront enregistrés par acte notarial que le 07 septembre 1898.

   Ainsi prend fin l’histoire séculaire du moulin de Latour de France : il était (par le nombre de ses meules et son revenu cadastral) le plus important du Fenouillèdes.

 

Fini les vieux moulins, une nouvelle ère commence, celle de la fée électrique et des activités industrielles.

    Le moulin farinier, est toujours répertorié en 1899. Mais il semblerait que son activité de moulin farinier soit devenue incompatible avec celle de la nouvelle usine. Sa date d’arrêt de production n’est pas connue.

     L’état statistique des usines dressé en 1900, mentionne en activité à Latour de France une usine destinée à l’éclairage public, d’une force de 55 chevaux vapeur. Le moulin farinier doté d’un moteur électrique de 25 chevaux, est lui, mentionné comme désaffecté.

     Le docteur François Ecoiffier, qui avait souscrit à la création de la société 85 actions de 500 francs chacune, sur un total de 800, en devint progressivement le créancier principal, puis le propriétaire en 1911.

     La Société Industrielle Électrique Ecoiffier (I.E.E) deviendra par la suite, un des principaux fournisseurs d’électricité du Roussillon. La localité de Latour de France et d’Estagel sont branché en 1925 sur le réseau principal de la I.E.E et l’usine de Latour cesse dès lors son activité.

  • En 1935, les activités meunières, faillirent reprendre, mais la mairie n’y était pas favorable. La société Escoffier désirait se défaire du canal et vendre les installations devenues inutiles.

     Depuis plusieurs années la mairie de Latour, tentait d’obtenir une cession gratuite du canal, mais en y mettant des conditions qui firent capoter de nombreuse fois les pourparlers : celle d’une remise en bon état par le vendeur du canal, ou le versement, d’une somme de 100.000 francs pour faire en lieu et place de la société les grosses réparations necessaires et urgentes.

     Finalement, les locaux, et le canal compris, furent rachetés en 1937, par Louis-Henri Pujol, industriel demeurant à Leucate, ex-associé du vendeur, constituant son apport à la S.A « Feldspaths et Minéraux des Pyrénées ».

  • Le 07 mai 1951, la société qui poursuit son activité de broyage, cède le canal au syndicat de la plaine. (Archives études Me Nicolas Latour : acte de Me Ernest Gibrat notaire)
  • En 1955 après sa fusion avec la S.A « Feldspaths et Minéraux de Lozère » la « Société Feldspaths et Minéraux des Pyrénées » devint la « Générale de Feldspaths et minéraux », qui fût vendue en 1963, à la S.A. Baux dont le siège est à Saint-Paul-de-Fenouillet.
  • En 1982, la S.A Baux, ferme l’usine de Latour, et met le site et l'usine à la vente. La commune s'en porte acquéreur pour la somme de 150.000 francs. Mais les divers projets communaux pour sa reconversion s’avérant très difficile à mettre en œuvre, voire impossible à réaliser, la municipalité décide quelques années plus tard de revendre l’usine et le cite en l’état.

    Monsieur Jean-Pierre Ségura, en fait l’acquisition le 14 février 1986.

     Modifié profondément une première fois par l’installation de l’usine hydroélectrique, puis à nouveau, restructurés pour la création de l’unité de concassage de feldspath, les bâtiments n’avaient plus rien à voir avec le moulin d’origine.  Aujourd’hui, après d’importants travaux de réhabilitation, ils sont devenus la résidence, de Jean-Pierre et de Marie-Thérèse Ségura.

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Vue actuelle de l'ancien moulin de Latour et de ses bâtiments.

 

 

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24 octobre 2021

Les Seigneurs de LATOUR

 

LES COMTES DE FENOUILLÈDES

 

     Après l’expulsion des Sarrasins, voulant assurer son pouvoir dans les provinces conquises et empêcher de nouvelles invasions, Charlemagne divisa les anciens diocèses, voisins des Pyrénées et y multiplia le nombre des dépositaires de la force militaire ; de là, l’institution des comtés et la création des Comtés de Roussillon ; de Razès, de Fenouillèdes et autres.

 Charlemagne : son aventure espagnole | lepetitjournal.com
Charlemagne

     À cette époque, Le Fenouillèdes « Pagus Fenolietensis », (à savoir pays des foins) ne formait qu’une sorte de viguerie séparée du comté de Razès, mais ne constituant qu’un seul domaine avec lui, tout comme : le Capcir, le Peyrepertusès, le pays de Sault et le Donnezan. Le comte de Razès était Guillaume de Gellone. Son fils Béra Ier qui lui succéda, fonda l’abbaye d’ALET (813-820). Il obtient auprès du Pape Léon III, le don d’un fragment de la vraie croix, pour ladite abbaye, aussitôt placée sous la protection directe pontificale.

     Vers l’an 873, le comté de Razès était possédé en commun par : Guifred-le-Velu, comte de Barcelone ; son frère Miron 1er comte de Roussillon, et par les deux frères Oliba 1er et Acfred 1er, comtes de Carcassonne. On sait, que les comtes de premières lignées de Barcelone et ceux de Carcassonne qui vivaient au début du IX siècle, étaient issu de la même famille.

     On sait aussi que, dès le milieu du IX siècle, le « Pagus Fenolietensis » formait un comté. Tout laisse à penser que, de l’an 890 à l’an 910, il dut y avoir un partage du comté de Razès entre les deux branches de la famille comtale, partage établi comme suit :  Oliba 1er et Acfred 1er, comtes de Carcassonne, demeurèrent en possession du « Pagus Reddensis » (Pays de Razès), qui retint le nom du comté de Razès  (comitatus Reddensis), tandis que : Guifred-le-Velu, comte de Barcelone et son frère Miron 1er comte de Roussillon eurent pour leur part le pays de Fenouillèdes avec les autres pays qui dépendaient du Razès, lequel prit dès lors le titre de comté, (comitatus Fenolietensis).

     Ce qu’il y a de certain c’est que notre Pagus est qualifié de Comté dans deux bulles du Pape Agapet : l’une en date de 950, l’autre de 954, et dans divers autres documents écrits du Xe siècle. 

     La bulle de 954 confirme Ségarius, Abbé de Saint-Martin-de-Lez dans la possession des biens que son monastère avait dans les comtés du Roussillon, de Razès et de Fenouillèdes, in comitatus Fenioletense ou Fenolietense  (MARCA, p. 865, histoire du Languedoc, V, preuves L XXXIII).

     À cette époque 950-965), le comté appartenait à Sunifred 1er, comte de Barcelone, qui le tenait de ses ancêtres.

     En mourant, il donna divers domaines aux établissements religieux de la Marche d’Espagne et de la Septimanie, notamment aux monastères de Sainte-Marie d’Arles, de Saint-Michel de Cuxa et Saint-André de Sorède en Roussillon, à l’abbaye de la Grasse, au diocèse de Carcassonne aux monastères de Saint-Martin-de-Lez et de Saint-Paul, dans le comté de Fenouillèdes. Par voie testamentaire, Sunifred 1er, disposa du comté de Fenouillèdes, en faveur d’Oliba-Cabreta, comte de Cerdagne, son frère.

     Vers l’an 981, Oliba-Cabreta déclara la guerre à Roger I, comte de Carcassonne, mais on ne connait rien de précis sur cette campagne. Les historiens du Languedoc s’accordent sur le fait que cette guerre eut pour conséquences le démembrement du comté de Razès et le rattachement au comté de Besalú et de Cerdagne, du Capcir, du Sault, du Donnezan et du Peyrepertusès.

     Oliba Iᵉʳ dit Cabreta est le quatrième fils de Miron II le Jeune, comte de Cerdagne, de Berga et de Besalú, et d'Ava de Carcassonne. Il est né vers 920 et mort en 990 au Mont-Cassin. Il laissa le comté de Fenouillèdes à son fils, Bernard Taillefer comte de Besalú.

     Bernard Ier de Besalú, dit Bernard Taillefer, fils d'Oliba Cabreta et d'Ermengarde d'Empuries, fut comte de Besalú et de Ripoll entre 1003 et 1020. Outre le comté de Besalú, il domine la vicomté de Fenouillèdes et le Vallespir.

     Son testament atteste parmi les nombreux comtés qu’il possédés figure bien celui des Fenouillèdes.

      À sa mort, le comté des Fenouillèdes passa aux mains de son fils Guillaume-le-Gras. Celui-ci épousa Adélaïde et mourut en 1052. Sa sœur, Garainde, était l’épouse de Bérenger, vicomte de Narbonne.

Guillaume II, surnommé « Trunnus », comte de Besalú et de Fenouillèdes, se maria à Stéphanie et mourut en l’an 1070. Son frère Bernard II qui exerça le pouvoir comtal avec lui, et qui avait épousé Ermengarde, mourut sans descendance en l’an 1096.

     Son neveu, Bernard III, fils de Guillaume II, devint comte de Besalú et de Fenouillèdes. Il épousa en l’an 1107, une fille de Raymond-Bérenger III, comte de Barcelone, qui lui succéda dans ses domaines.

     En 1130, Raymond-Bérenger III disposa du comté de Fenouillèdes en faveur de son fils ainé, Raymond-Bérenger IV ; mais il ne lui en laissa que la suzeraineté. Dès l’an 1112, il avait donné le domaine utile à Aymeri II, vicomte de Narbonne, son frère utérin, et aux vicomtes de Narbonne, ses successeurs.

 

 

II -- LES VICOMTES DE FENOUILLÈDES

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Blason des vicomtes de Fenouillet

     Toutefois, le Pays de Fenouillèdes possédait des vicomtes particuliers qui appartenaient à la famille de Fenouillet. On les voit, dans les cours du XIIe et XIIIe siècles, rendre hommage aux vicomtes de Narbonne pour la vicomté de Fenouillèdes. Celle-ci comprenait également le château de Peyrepertuse.

     Les vicomtes de Narbonne jouirent de la suzeraineté sur les vicomtes de Fenouillèdes et sur les seigneurs de Peyrepertuse du début du XIIe siècle jusqu’au milieu du XIIIe. En vérité, les vicomtes de Narbonne ne prirent jamais le titre de comtes de Fenouillèdes, mais ils se gardèrent comme suzerains des vicomtes de Fenouillèdes jusqu’en 1242.

     Un des, plus anciens vicomtes de Fenouillèdes que l’histoire connait est Pierre, qui fut présent le 25 mars de l’an 1000 à l’acte d’union de l’abbaye de Saint-Paul-de-Fenouillet à celle de Saint-Michel-de-Cuxa.

     Son fils, Udalgar de Fenouillet, souscrivit avec son enfant Pierre, à l’union de l’abbaye de Saint-Martin-de-Lez à celle de Saint-Pons-de-Thomières en 1070. Avec le vicomte Pierre que nous venons de voir souscrire l’acte d’union de l’abbaye de Saint-Paul-de-Fenouillet à celle de Saint-Michel-de-Cuxa figure un autre vicomte appelé Arnaud. Il est probable que Pierre et Arnaud étaient deux frères possédant la vicomté par indivis.

     En 1142, Udalgar II, vicomte de Fenouillet et sa femme Novicia, offrirent leur fils Gilbert à l’abbaye de Saint-Pons-de-Thomières pour y être religieux. Ce jeune homme était sans doute, le frère de Udalgar III, qualifié de vicomte de Fenouillèdes, et le même qui fut présent en 1115 à la donation que Gausfred III de Roussillon, fit à son fils, Guinard, du comté de Roussillon.

    En 1161, trois ans avant sa mort (1164), il fonda sur conseil de Pierre III et d’Arnaud III ses fils et de sa femme, de quoi entretenir une lampe dans l’abbaye de Fontfroide. Pierre III, fils ainé de Udalgar III, mourut sans postérité.

     C’est son frère Arnaud III qui disposa par son testament du 29 septembre 1173, de toute la vicomté de Fenouillèdes. Part acte, Arnaud III, fait mention de quatre de ses sœurs, de Bérenger de Peyrepertuse, son neveu, fils, sans doute de l’une d’elles, en faveur duquel il substitua une partie de ses domaines au défaut du fils ou de la fille posthume dont sa femme pourrait accoucher. Le jour de sa mort, son épouse mi au monde une fille qui porta le nom d’Ave.  

      La lignée des anciens vicomtes de Fenouillèdes finit en la personne d’Arnaud III.

     Ave, sa fille unique, née en 1173 et seule héritière transféra la vicomté de Fenouillèdes dans la maison de Saissac qui prit le nom de Fenouillet. Mariée à un seigneur de la maison de Saissac, qui mourut de très bonne heure, ils eurent un fils, Pierre de Saissac qui prit le surnom de Fenouillet. Avec sa mère, celui-ci rendit hommage au vicomte de Narbonne pour le château de Fenouillet et le pays de Fenouillèdes, en 1209.

     C’était l’époque de la guerre des Albigeois. Pierre de Fenouillet, digne successeur de son grand-père, fut une des grandes figures de ce temps-là.

     Il était encore adolescent, quand Ave, sa mère, lui remit l’héritage paternel. Nuno Sanche, comte de Roussillon, pensa qu’il aurait facilement raison de cet enfant, et qu’il pourrait, sans trop de peine, le dépouiller de sa vicomté de Fenouillèdes. Bien mal lui en pris. Il entama la lutte contre le jeune vicomte Pierre II, mais il échoua. Le château de Fenouillet ayant résisté à un siège mémorable.

     L’œuvre de Pierre II de Fenouillet commença peu de temps après la croisade des Albigeois. Il demeura un des fidèles alliés de Raymond Roger, vicomte de Béziers, et, quand ce dernier mourut prisonnier dans son château de Carcassonne, Pierre II de Fenouillet, ligué aux autres seigneurs du pays, continua la lutte. Son domaine fut confisqué. Nuno Sanche, comte de Roussillon, en homme habile, s’étant rangé sous la bannière des Croisés, fut investi par Simon de Montfort, de la vicomté de Fenouillèdes.

      À cette époque, les croisés occupaient, les villes, les monastères et les bourgs. Ils avaient même réussi à s’emparer du château de Termes et du château d’Aniort. Mais les trois forteresses de la vicomté de Fenouillèdes résistaient seules et résistèrent toujours. Elles étaient toutes trois défendues par un membre de la famille de Fenouillet.

    Louis VIII et le Légat, sollicitèrent Jacques 1er, roi d’Aragon, neveu du comte de Toulouse, de ne pas prendre les intérêts de ce prince. Jacques 1er qui était fort pieux, se rendit à leur demande et défendit à tous ses sujets de donner retraite aux hérétiques et de leur fournir aucun secours. Nuno Sanche, comte de Roussillon, à qui le roi fit part du dessein de son expédition, lui répondit, et lui offrit tous ses domaines pour faire la guerre aux hérétiques.

    Le roi de France (Louis VIII) vint dans le midi, à Carcassonne et tint une assemblée à Pamiers dans les derniers jours de septembre 1226. Il reprit ensuite la route de France et reçut (octobre 1226), l’hommage-lige pour la vicomté de Fenouillèdes et de Peyrepertuse de Nuno Sanche, comte de Roussillon, qui le lui rendit, sauf la fidélité qu’il devait au roi d’Aragon. Nuno Sanche et son père avaient été en relation avec Raymond VI et Raymond VII, comte de Toulouse, qu’ils avaient soutenu et favorisé plus ou moins secrètement, durant la croisade. Nuno Sanche se rangea du côté du roi de France, dans l’espérance de se maintenir dans la possession de la vicomté de Fenouillèdes et de Peyrepertuse.

     On voit par-là que cette vicomté avait bien été donné à Nuno Sanche bien avant le mois d’octobre 1226. Il en rendit un nouvel hommage au roi Saint-Louis en 1228.

     Pierre de Fenouillet fit cependant tout son possible pour la recouvrer, sous la protection du comte de Toulouse et de ses alliés. Mais ce dernier ayant la paix avec le roi de France au mois d’avril 1229 et ne pouvant se soutenir par lui-même, Pierre de Fenouillet fut obligé de mettre bas les armes. De plus, par un daté du 1er juin de cette même année, il céda à Nuno Sanche et à sa postérité le château et toute la vicomté de Fenouillèdes « en réparation des dommages que lui et ses chevaliers avaient causés à ce comte et à ses vassaux, ce qu’il ne pouvait réparer en aucune manière ».

     Ave, sa mère qui était présente, ratifia la cession de son fils et transféra à son tour à Nuno Sanche, tous ses droits sur la même vicomté, dont il en jouit paisiblement jusqu’ à sa mort en fin décembre 1241 ou janvier1242.

     Pierre II de Fenouillet s’étant ligué alors avec le comte de Toulouse, le comte de Foix, le vicomte de Narbonne et les autre grands de la province, qui déclarèrent la guerre au roi, fit revivre ses droits sur la vicomté de Fenouillèdes dont il fit hommage en octobre 1242. Sur ces entrefaites, le comte de Toulouse et ses alliés firent soumission. Dès lors, le comte de Roussillon continua de jouir de la vicomté de Fenouillèdes qu’il transmît, avec ses autres domaines, à Jacques 1er d’Aragon, son parent et héritier. Ce dernier céda la vicomté à Saint-Louis, roi de France, par le traité de Corbeil en 1259. La vicomté demeura réunie à la couronne de France.

    En 1264 Béatrice D’URG, veuve de Hugues de Saissac (fils de Pierre de Fenouillet), demanda au parlement la restitution de la vicomté de Fenouillèdes. Elle fut déboutée de sa demande. Cet arrêt était fondé sur la sentence que frère Pons de Pouget inquisiteur de la foi dans la province de Narbonne avait rendus contre la mémoire du vicomte Pierre, plus de vingt ans après sa mort.

     Ayant reçu les derniers sacrements avant de mourir, et à sa demande, le vicomte Pierre de Fenouillet, fut enterrer dans le cimetière des Templiers du Mas Deu (commanderie sise à Trouillas). Mais ayant fait commerce avec les hérétiques l’Inquisiteur à fait exhumer et bruler ses ossements.

Image illustrative de l’article Commanderie du Mas Deu
La chapelle de la commanderie du Mas-Déu, à Trouillas.

 

     Ave, fille de Pierre de Fenouillet, épouse en 1243, Jaspert IV, fils de Guillaume IV de Castelnou, vicomte de Castelnou (vassal de Nuno Sanche à partir du 16 avril 1241). Cette union, ne fut pas très heureuse. Peu de temps après, les deux époux demandèrent leur séparation. Le procès traina en longueur et le divorce fut prononcé en 1267.

     Cette même année, Dame Ave de Fenouillet se donna corps et bien à l’hôpital d’Ille-sur-Têt, où elle prit l’habit religieux « avec le désir lde servire seigneur Dieu, la glorieuse Vierge, Saint-Jacques, sa mère et les pauvres de Jésus-Christ. Elle mourut dans cet établissement en 1299, après avoir renouvelée la donation quelle avait faite de tous ses biens, « voulant que le dit hôpital d’Ille-sur-Têt paie mes dettes, mes torts où injustices et en particulier 64 sols à certains habitants de Ponteilla desquels j’avais eu ou exigé seize aymines d’orge qui valaient alors 4 sols l’aymine ».

     Quant au vicomte Jaspert IV de Castelnou, il alla mourir en Espagne, à Valence en 1268. Par son testament, il avait institué héritier universel, son frère Guillaume IV de Castelnou.

     Béatrice, veuve de Hugues de Saissac, ayant été déboutée de sa demande, se retira avec ses enfants Pierre, Bertrand et Blanche encore pupilles, dans les terres quelle avait dans le Roussillon.

     Pierre, l’ainé des trois étant devenu majeur et ayant été fait chevalier, demanda à Philippe-le-Bel la restitution de la vicomté de Fenouillèdes. Le roi de France commit le juge-mage de Carcassonne pour examiner sa requête.

   L’affaire fut plaidée, mais le procureur du roi de la sénéchaussée de Carcassonne s’opposa à cette restitution en se basant sur la sentence de l’inquisiteur Pons de Pouget. Pierre de Fenouillet soutint que cette sentence était injuste et devait donc, être considéré comme nulle. Alors, le juge-mage déclara que cette affaire n’était pas de sa compétence.

    Sans se décourager, Pierre de Fenouillet la porta devant le Pape, qui lui donna Jean, Cardinal de Saint-Pierre et de Saint-Marcellin pour auditeur. Pierre, naturellement, demandait la cassation de la sentence de l’inquisiteur. Il se fondait sur ce que le Pape Innocent IV avait défendu aux inquisiteurs de la foi, dans la province de Narbonne d’exercer leurs fonctions dans les états du roi d’Aragon. Or, ajoutait-il, Pierre vicomte de Fenouillèdes, mon aïeul, habitait dans le comté de Besalú, il était mort dans le Roussillon et mort en catholique. Qu’il s’était séparé de sa femme pour prendre l’habit religieux dans la commanderie du Mas Deu, et, que dans son testament, il avait fait plusieurs legs pieux.

    Le cardinal auditeur cita devant lui l’inquisiteur de Carcassonne et les officiers royaux de cette ville. Aucun d’eux ne comparut. Pierre de Fenouillet s’adressa au Pape Boniface VIII qui, le 17 février 1301, donna à l’évêque d’Elne, à l’abbé de Fontfroide et au prieur de Corneilla, l’ordre de citer de sa part devant eux l’inquisiteur de Carcassonne et tous ceux qui avaient intérêt dans cette affaire. Mais en ce moment, l’évêque d’Elne étant fort occupé, avec les évêques de Béziers, et de Maguelone, à faire l’estimation des revenus des évêchés de Toulouse et de Pamiers, ordonnée par le Pape.

     Il subdéléguât, le 28 juin 1301, Pierre du Verdier, clerc de Perpignan et le chargea de citer tous ceux qui avaient intérêt dans cette affaire. Il cita notamment Gui de Chevrier, sénéchal du roi à Carcassonne. Celui-ci répondit à la citation que « le roi et son conseil lui avaient défendu à lui et aux autres sénéchaux du royaume, de comparaitre à Rome pour aucune affaire qui regardât son domaine sans un ordre exprès et qu’il n’en avait reçu aucun ».

     Sur cette réponse, Pierre du Verdier partit pour aller trouver le roi. Il le rencontra à Saint-Léon, diocèse d’Orléans. Le 30 juillet 1301, comme le roi sortait de la messe, Pierre du Verdier se présenta devant lui, et en présence de plusieurs témoins dont était Talleyrand, comte du Périgord, il le cita au tribunal du Pape. Le roi, bien entendu, ne répondit pas plus à cette citation que son sénéchal de Carcassonne. Qu’à cela ne tienne, Pierre de Fenouillet continua ses poursuites sous Cément V qui en 1311, commit l’abbé de Saint-Papoul, le prieur d’Espira-de-L’Agly et l’official de Carcassonne pour faire des informations dans cette dernière ville avec ordre de les lui envoyer.

    On ignore l’issue de cette affaire, mais il est certain que Pierre de Fenouillet demeura toujours exclu de la succession des vicomtes de Fenouillèdes, ces ancêtres.

     Pierre de Fenouillet devint en 1296 seigneur d’Ille-sur-Têt et ses enfants occupèrent par la suite, cette vicomté du Roussillon

 

 

III -- LES SEIGNEURS DIRECTS DE LA TOUR DE FRANCE

 

     Lorsque le pouvoir royal eut dépossédé les vicomtes de Fenouillet du fief de ce même nom, la seigneurie directe de La Tour de France appartint par moitié aux membres de deux familles nobles de la région : Raymond de Durban et Bernard-Guillaume du Vivier. En 1317, ces personnages se partagèrent le domaine seigneurial. Quelques années plus tard, la maison du Vivier détint seule la juridiction et la propriété du fief de La Tour de France.

     C'est le 2 décembre 1342, que le roi de France Philippe VI de Valois donna la localité de La Tour de France au chevalier Guillaume du Vivier. Le monarque envoya au nouveau seigneur son titre féodal sur lettres patentes.

Valois
Philippe VI de Valois

     Il faudra attendre l’année 1389 pour connaître dans le détail toutes les particularités afférentes à une seigneurie féodale.

     La fille de Guillaume du Vivier prit possession de ce domaine seigneurial, à la date du 23 décembre de cette même année. Un acte, rédigé en latin, qui énumère chacune des spécialités de cette propriété se trouve dans les archives municipales de La Tour de France. Je vais citer le document dans sa version française, pour pouvoir être saisi de tous les lecteurs.

     Gaillarde du Vivier rend foi et hommage au roi Charles VI pour la localité de La Tour de France, pour ces appartenances et pour tout ce qu’elle tient et doit tenir pour ce prince en la sénéchaussée de Carcassonne. Ce fait résulte d’un acte reçu par Bernard Laufre, notaire royal de Carcassonne, le 23 décembre 1389.

     Elle y fait, cette énumération : 

  • « Je possède, dit-elle, la totalité de la Tour dans la viguerie de Fenouillèdes, qui est régie par le droit écrit. J’y possède la basse justice jusqu'à condamnation à 60 sols de Tours, le château, où j’ai un juge, un bailli et les autres officiers nécessaires à l’exercice de la juridiction.
  • Je perçois en ce lieu et sur son territoire ce qui suit :  Je retire chaque année, à son terme pour les champs et leurs divisions, huit aymines, selon les mesures de la localité, chaque aymine valant une saumate ou environ ; dans les champs semés d’orge, dix dans les champs semés froment, quatre aymines ; dans les champs semés de blé, trois aymines ou environ, chaque deux années ; dans les champs semés de vesces et de lentilles, deux quarts chaque deux années.
  • Pour l’affermage du moulin à farine que je possède dans la localité, je reçois soixante aymines, tous les deux ans ; pour la vendange, je reçois quatre-vingts saumates de raisins ; pour le cens de la paille, je reçois quatre-vingts tensolates, tous les deux ans ; pour le jardinage, on me donne vingt sols de Tours, tous les deux ans ; pour le cens des deniers je touche onze livres ; pour le cens des poules on me fournit soixante-deux poules ; pour le cens de l’huile, on m’en fait percevoir un quart ; pour le cens de la cire on me donne la moitié d’une livre ;
  • e possède aussi une vigne avec des oliviers d’une contenance d’une quarantaine de journées de travail et une seconde vigne de huit journées. J’ai aussi en ma possession un jardin de deux sesterces.
  • Pour l’affermage des pâturages et des forêts, je touche chaque année, cent sols. Pour l’affermage du moulin drapier avec ses dépendances, je perçois cinq livres de Tours et quatre pièces de drap.
  • J’en touche autant pour les foriscapes,(droit perçu par le seigneur en cas de mutation) tous les deux ans ; pour les achats et les ventes on me donne deux livres, tous les deux ans.
  • Je reconnais tenir la localité de La Tour avec ses propriétés pour notre seigneur le roi auquel je rends foi et hommage ; je peux infliger en justice jusqu'à soixante sols d’amende, comme je l’ai mentionné plus haut.
  • Je détiens aussi dans cette localité de La Tour les mesures du blé et du vin ainsi que les poids pour les viandes. Dans cette même localité est en usage le droit de véto, à tel point que personne ne peut vendre du vin, depuis la fête de Saint-Jean Baptiste, jusqu’au 15 août, fête de Sainte-Marie du mois d’août, sinon moi, dame précédemment dénommée.
  • J’ai encore souscrit les conventions suivantes : Chaque années, en percevant les revenus, je payerais un prêtre auquel je dois faire célébrer les offices dans la chapelle de ladite localité de La Tour. Je dois encore entretenir une lampe dans l’église.
  • Je perçois au lieu de La Tour, la poitrine de tous les bœufs que l’on tue à l’abattoir. Je retire de tous les mariages qui se célèbrent à La Tour un quartier de mouton, demi-moitié de vin et deux fougasses. Le fermier du moulin d’olives doit faire gratuitement l’huile de mes olives à mon usage.
  • J’ai le droit de pêcher sur les rives du lieu de La Tour, et tout délinquant qui pêchera dans cette devèse encourra une amende de 60 livres de Tours.
  • J’ai enfin dans cette localité une forge de fer qui ne fonctionne pas. » 

     Une fille de Gaillarde du Vivier unit ses destinées à celles de Guillaume de Belcastel. L’histoire appelle aussi ce dernier du nom de Guillaume du Vivier.

     Le 3 avril 1443, ce nouveau seigneur de La Tour reçut de ses vassaux reconnaissances de ces droits féodaux. Le document qui en fournit l’énoncé, est un manuscrit écrit en latin, conservé dans les archives municipales.

    On y lit le procès-verbal de l’assemblée des consuls et des gens notables de La Tour de France et d’Estagel qui, de concert avec Guillaume de Belcastel, firent connaître les obligations qui leurs incombaient par rapport à l’usage de l’eau du ruisseau de la Balme. Il est dit « Que ce sont les prédécesseurs du seigneur Guillaume de Belcastel, qui ont construit la Balme, qu’ils ouvrirent la montagne par là où le fleuve Agly circule, avec la permission du dit seigneur, sur toutes les terres du Pla de las feixas ».

  • « L’an de la nativité de N.S. 1443, dit le document, au lieu de La Tour, dans le château de la localité en présence du notaire public et des témoins, devant le magnifique Guillaume de Belcastel, alias du Vivier, maitre du château, du consulat et de juridiction de La Tour, J.Bosc, Bordanel, Raymond Bosc, consuls du lieu , conseillers des habitants de La Tour, d’une part et Pierre Bénet, S.Reynalt, A.Pration, G.Sabater, Pierre Bobre, conseillers du lieu d’Estagel, tous présents et faisant une seconde réunion des lieux de La Tour et d’Estagel ».
  • Les susdits se déclarent vassaux et sujets du noble seigneur Guillaume de Belcastel, reconnaissant sa juridiction sur le territoire de La Tour, sa propriété sur les tasques, les agriés, les cens, les fiefs et les arriéré-fiefs, l’albergue de 20 sols solvables par les consuls d’Estagel, le droit sur l’eau que chaque habitant doit payer chaque année, c'est-à-dire six journées de travail au ruisseau du moulin, parce que les prédécesseurs de Guillaume de Belcastel avaient construit la Balme, ouvert la montagne par où l’Agly circule, elle qui fait mouvoir les moulins banaux, elle qui arrose après, avec l’agrément du seigneur les terres du Pla de las feixas.
  • Les susdits avouent que tout travailleurs marchant avec deux chevaux, des bœufs ou deux ânes est tenue de faire quatre journées de travail avec ses animaux ; celui qui ne possède pas de bête de somme fera quatre journées de travail de ses propres mains. Tous feront la garde et la veillée en temps de guerre au château de La Tour France.
  • Les susdits font réserve sur la transaction de l’an 1330, qui parait être l’année de l’ouverture de la Balme.

     L’acte fut dressé par un prêtre d’Estagel, appelé Arnald Cal.  On sait que les ecclésiastiques remplissaient au moyen-âge l’office de notaire.

     Les guerres de la révolution catalane de 1462, furent désastreuses pour La Tour de France. Localité située sur les marches de la France, elle subit les assauts des troupes aragonaises. Elle fut pillée, saccagée, presque anéantie, sous le règne de Louis XI.  Le château fut démantelé et plusieurs habitants mis à mort.

    Jean de Voisins, seigneur d’Arques (Aude) avait épousé une fille de François Belcastel, ancien seigneur de La Tour de France appelée Isabeau. Il dresse en 1480 un dénombrement de ses divers domaines féodaux, et dans la nomenclature de ses fiefs, la localité de La Tour de France, ainsi que celle de Planèzes sont mentionnées parmi les nombreuses propriétés de ce seigneur. Par un acte daté de 1481, il bailla à nouveau fief à la communauté des habitants de La Tour, le cazal dans lequel était construits les fours banaux. Ces locaux confrontaient de deux parts, deux chemins, et d’autre part, le puit du lieu. L’engagement fut pris sous la censive annelle de 5 sols parisis et la réserve des droits de lods.

     En 1492, Charles VIII retourna au roi d’Aragon le comté du Roussillon que son père Louis XI avait acheté à Jean II. La localité de La Tour de France devint à nouveau ville-frontière. Estagel était passée au nouveau roi d’Espagne et ses consuls furent en désaccord avec Jean de Voisins, seigneur de La Tour de France, qui les troublait dans le libre exercice de l’écoulement de l’eau de l’Agly sur le territoire.

     Un procès-verbal fut écrit, cette même année, par devant le maréchal des eaux et forêts du Languedoc, à la requête des syndics et consuls de la communauté d’Estagel. Ceux-ci sollicitaient le maintien de la faculté qu’ils possédaient de prendre et de recevoir l’eau de la rivière royale de l’Agly au lieu de La Tour de Fenouillèdes et celle de faire conduire et couler jusqu’au lieux, champs, jardins, prés, et autres possessions en payant au dit Roi de France vingt sous annuellement et autres servitudes accoutumées.

     On trouve trace dans les archives communales de La Tour de France un extrait de ce procès-verbal (traduit en français) de son original écrit en latin, qui fait mention que les habitants du dit Estagel ont de tout temps, jouie de tel droit en payant au Roy notre sire vingt sous annuellement, et à la communauté des habitants de La Tour quatre moutons d’or (pièces d’or frappée sous Saint-Louis qui portaient l’effigie d’un agneau pascal) pour l’utilisation du req ou canal  conduisant l’eau au dit Estagel. Est également fait mention au lieu-dit La Tour d’un bailhe royal nommé Pierre Coronat.

    Jean de Voisins, seigneur de La Tour mourut à une date inconnue la fin du XV siècle. Il laissa ses domaines et possessions à sa veuve Isabeau (son épouse) laquelle en 1501 déclara dans un dénombrement de biens, rentes et revenus possédés par elle, que :

  • « Sur le lieu-dit de La Tour de Fenouillèdes et sur le lieu-dit de Planèzes, tous deux détruit et brulé par les Aragonais et les Espagnols il n'y eu aucun profit ».

    En 1504, Louis Trilha et Antoine Franc, consuls de La Tour de France nommèrent Gironne pour leur procureur avec mission : de demander et de retourner, une chape de damas blanc avec double garniture prise en temps de guerre au dit lieu de La Tour avec les autres ornements de l’église du dit lieu. Ce qui laisse clairement entendre que l’armée Aragonaise après avoir miné son château, pillé et décimé ses habitants, n’avait pas épargnée dans ses déprédations l’église de La Tour de France.

    Un acte daté de 1507 nous informe que Jacques Prax et sa femme, baillent à la communauté de La Tour de France d’un patus. Cet immeuble confrontait avec Bringuier-Coronat, avec Denys, avec l’hôpital de la localité et avec le chemin, les bailleurs déclarent qu’il relève de la directe du sieur commandeur de Primia pour le prix de 22 sols.

    À cette époque, sur les bords de L’Agly, entre La Tour et Planèzes, s’élevait, une église placée sous vocable de Sainte-Eulalie. À ce jour un lieu-dit de ce nom atteste des faits. Le lieu est toujours accessible, mais plus aucunes traces de l'église ne sont visible.

    En 1516, dans son testament le sieur Denis Pranatou faisait dire : que si sa femme convolait en secondes noces après son décès, tous ses biens iraient à l’œuvre de Sainte-Aulaxi, de La Tour.

    D’un acte passé en 1518, il ressort : que le sieur Barrau prêtre de La Tour, avait légué la somme de 30 livres à l’église paroissiale du lieu-dit, moyennant lesquelles, l’on ferait dire et célébrer à perpétuité dans cette église, vêpres à toutes les fêtes et les dimanches.

    En 1528, Antoine Satourre écrivait dans ses dernières volontés, légué à sa fille 50 livres pour sa dot. Y ajoutant que si celle-ci venait à mourir sans enfants, les 50 livres reviendrait à l’église de Saint Eulalie. Il laissait comme héritier son fils Antoine, et précisé également que s’il venait à mourir sans descendants, le leg qu’il lui faisait reviendrait aussi à l’église de Sainte-Eulalie. Avec obligation aux ecclésiastiques chargés de l’administration de cette église de faire célébrer annuellement une messe avec chant, pour le repos des âmes de la famille Satourre.

     Le 6 mai 1535, le roi de France, François 1er loua de nouvelles reconnaissances à la viguerie de Fenouillèdes aux consuls de La Tour de France. Ces derniers se nommaient, Pierre Coronat, Jean Bierne et Pierre Monne. Ils avaient été invités par Pierre Bailhe, bailli du Pays de Sault, à produire leurs titres ; Ils reconnurent devoir au roi annuellement deux denier tournois pour les franchises set priviléges que les habitants de La Tour ont accoutumés d’avoir aux pâturages et bois du roi et d’y mettre leur bétail, tant gros que menu, de jour et de nuit, au lieu-dit Balfrège, d’y couper du bois pour leur usage, d’y cultiver les terres, à condition d’y payer l’agrié.

     En 1425, Jean de Voisins seigneur de La Tour de France eut une fille appelée Françoise. Née vers 1495, Françoise de Voisins, Baronne d'Arques (11). Dame de Puyvert et de La Tour de France, unit ses destinées le 22 novembre 1518, à Jean de Joyeuses. Dernière descendante de la famille de Voisins, elle délaisse la forteresse familiale du château d'Arques pour s'installer dans le château nouvellement bâti de Couiza (11).

Photo prise le 101
Le château des duc de Joyeuse à Couiza (11)

 

 

IV -- LA MAISON DE JOYEUSE

 

     Jean de Joyeuse, nouveau seigneur de La Tour de France, à la suite de son mariage avec Françoise de Voisins, était également seigneur d’Arques, de Puyvert et autres seigneuries. Il appartenait à la maison des anciens seigneurs de Châteauneuf-de-Randon, dans le Gévaudan. Guy de Châteauneuf, qui commence la branche des seigneurs de Joyeuse, étaient le quatrième fils de Guillaume de Châteauneuf et de Marie, marquise du Mas de Grosfaux, qui vivaient en 1156. C’est en faveur de l’un de ses descendants, Louis II, fait prisonnier (le 1er juillet 1423) lors de la bataille de Crevant-sur-Yonne, que le roi érigea la baronnie de Joyeuse en vicomté.

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Armes de la maison de Joyeuse 
« Deux (alias trois) pals, sous un chef chargé de trois hydres (alias trois dragons ailés) ».

     Jean de Joyeuse, seigneur de La Tour de France était gouverneur de Narbonne. En prenant possession de leurs domaines féodaux, les nouveaux seigneurs de La Tour de France, Jean de Joyeuse et Marie de Voisins, firent dresser un dénombrement de leurs biens et de leurs revenus par le procureur. C’était un chanoine de Carcassonne qui était investi du titre d’archidiacre d’Aleth, Antoine d’Ax. Ce dernier agissant au nom de ses nobles seigneurs, notifia dans un rapport en date du 20 mai 1540 la série de leurs baronnies, places, seigneuries, et autres biens.

     Il énuméra ainsi et consigna en ces termes :

  1. La terre et seigneurie d’Arques et toutes les collections de censives ;
  2. Au Pays de Fenouillèdes, le diocèse d’Aleth, avec toute juridiction, la seigneurie et place de La Tour, de laquelle le revenu consiste en ces censives :
  • Un patus sur place on souloit estre, les temps passés, le château, mais depuis le temps de guerre à esté brullé et rogné par l’ennemis.
  • Une vigne de 20 journals ; depuis à esté gastée, et ne porte ni rente ni profit. Deux censives d’argent de 8 à 10 livres.
  • Deux censives de poules, douze ou temps galinas.
  • Tous les agriés du bien valent 10 à 12 setiers de froment.
  • Les agriés de vin du dit lieu valent de 10 à 12 charges.
  • Les agriés des olives, de 5 ou 6 semals d’olives.

     Ont, au dit lieu, un moulin de blé et huile, lequel a esté souvent abattu par les guerres, est maintenant réédifié et assure 10 setiers de blé et 3 livres en argent, avec une petite pièce joignant iceux

  • Item le droit d’herbage montant tous les ans 3 à 4 livres.
  • Item, il y a dans le terroir deux fiefs nobles.
  • Item, ont accoutumé de prendre des lieux de Missègre, Ricartbelle ou Villardouble, Valmière et La Tour, pour droits de foriscapis, de 5 à 6 livres.

     Jean de Joyeuse et Françoise de Voisins, eurent 2 fils et 4 filles. Leur premier fils, Jean-Paul de Joyeuse né en 1520 est, mort en 1557.

     Le second, Guillaume ii de Joyeuse né en 1521, était destiné à l’état ecclésiastique, et pour ce, avait été nommé à l’Évêché d’Aleth, avant de recevoir les ordres.


Guillaume de Joyeuse

 

     La mort de son frère ainé l’ayant rendu chef de famille, il quitte l’église pour les armes et s’éleva au grade de lieutenant-général. En 1582, il devint, maréchal de France, après s’être signalé contre les protestants. Il dut cette dignité bien plus au crédit de l’amiral (son fils) qu’a son propre mérite. Il laissa sept enfants, dont trois furent diversement illustres. Décédé en l’an 1592, il avait 71 ans et portait les titres de : seigneur, de Saint-Didier, baron d’Arques, vicomte de Joyeuse, seigneur de Puyvert, et seigneur de Laudun.

     L’un de ses enfants fut Anne de Joyeuse, né en 1561, il fut tué le 20 octobre 1587 à la bataille de Coutras, il avait 26 ans il était Amiral de France et porté le titre de vicomte puis duc, de Joyeuse. Connu d’abord comme seigneurs d’Arques et de La Tour, appellation de ses fiefs, il se signala en 1580 lors du siège de la Fère, où il reçut un coup de mousquetade qui lui brisa la mâchoire.

     Il devint favori du roi qui le nomma, premier gentilhomme de la Chambre, grand-Amiral-de-France le 1er juin 1582 et promu chevalier de l'ordre du Saint-Esprit le 31 décembre de la même année., et, par une grâce insigne, érigea la vicomté de Joyeuse en duché-pairie, dont le titulaire prendrait rang auprès des princes du sang et précèderait les anciens ducs.

     Il le maria en même temps à Marguerite de Lorraine, sœur de la reine. Ce mariage fut célébré avec une magnificence dont on n’avait pas encore vu d’exemple. Les époux reçoivent à leur mariage plus de 300 000 écus du roi.

     Les lettres d'érection de la Vicomté de Joyeuse en Duché-Pairie, précisent que Guillaume, père d'Anne lui avait fait don des terres de Joyeuse, et que l'attachement des Joyeuse à la couronne remonte à Charles VII et Louis XI, Louis II de Joyeuse ayant épousé Jeanne de Bourbon, fille du Roi, Henri III érige Joyeuse en Duché-Pairie au bénéfice de " notre cher et bien-aimé cousin Anne de Joyeuse".

   À l'occasion de ces noces fut donné, le 15 octobre 1581, le premier grand ballet de cour français, qui parut l'année suivante sous le titre de "Ballet comique de la Royne(variante de reine).

     La faveur du duc de Joyeuse augmentait chaque jour. Le roi qui avait assigné à sa belle-sœur une dot égale à celle des filles de France, donna, peu de temps après, à son mignon, la belle terre de Limours, près de Montlhéry.

    Malgré ce, toutes ces grâces ne satisfaisaient point le duc Anne de Joyeuse. Il ambitionnait le gouvernement du Languedoc, mais le maréchal de Montmorency, qui en était pourvu, rejeta toutes les propositions du favori, et le roi ne voulut point consentir à dépouiller un de ses fidèles serviteurs.

Anne de Joyeuse
Le Duc Anne de Joyeuse

    Le 24 février 1583, le duc de Joyeuse est nommé gouverneur de Normandie. C’est aussi en 1583 qu’il alla à Rome pour solliciter du Pape la permission d’aliéner quelques domaines ecclésiastes et l’échange du comtat Venaissin contre le marquisat de Saluces. Mais il ne put obtenir que la promesse du chapeau de cardinal pour son frère François, l’archevêque de Narbonne. En 1584, il devient gouverneur du Havre, et la même année, à la mort du duc d'Anjou, il reçoit le gouvernement du Duché d'Alençon.

     Entré dans la ligue formée contre les protestants, mais, prévoyant les conséquences qu’elle pourrait avoir pour l’autorité royale, il engagea le roi Henri III à la dissoudre, et lui offrit tout ce qu’il possédait pour acheter des partisans.

     Écœuré de sa vie oisive et voulant se signaler, il demandât et obtint le commandement d’une expédition contre les protestants en Poitou, mais il s'aliène la bienveillance d'Henri III en se montrant cruel contre les vaincus, en faisant massacrer 800 huguenots le 21 juin 1587 à la Mothe-Saint-Héray (« massacre de Saint-Éloi »).

     Sur ces entrefaites on lui manda que le duc d’Épernon l’avait remplacé dans les faveurs du roi. Il revint en toutes hâte à la cour, ou il s’assura par lui-même de sa disgrâce. Reçu froidement à la cour, il croit échapper à la disgrâce royale en repartant combattre les troupes du roi Henri de Navarre (futur Henri IV, roi de France).

     À la tête de 1000 hommes, le duc de Joyeuse part vers le Velay et la Limagne où il doit lever de l'argent et des denrées, il occupe Brioude, attaque diverses places fortes, le château de Malzieu, et la ville Marvejols sont mises à sac. Il se laisse attirer par le roi de Navarre. Le 20 octobre 1587, il attaque les troupes protestantes dans la plaine de Coutras (Gironde), blessé dans la mêlée, il fut rencontré par Saint-Luc qui lui demanda ce qu’il était à propos de faire : « Mourir » ! Répondit Joyeuse. Cependant le duc fit cent pas en arrière pour se rapprocher de son infanterie et de sa cavalerie, mais celles-ci sont décimées. Il fut vite entouré par plusieurs huguenots qui le reconnurent, et bien qu’il leur criât : « il y a cent mille écus à gagner ! », le duc Anne de Joyeuse fut tué d'un coup de pistolet à la tête.

     Henri III réclama le corps de son favori et lui fit faire de grandioses funérailles. Il repose à Montrésor (Indre-et-Loire).

     Parmi les 2000 catholiques morts dans la plaine de Coutras se trouve également le jeune frère d'Anne, Claude de Joyeuse, seigneur de Saint-Sauveur (1569–1587), également inhumé à Montrésor.

     François de Joyeuse frère puîné du duc Anne de joyeuse, né le 24 juin 1562, fut pourvu à l’âge de 26 ans de l’évêché de Narbonne.

   Quelques mois après, il obtint le chapeau de cardinal. Nommé protecteur de France à la cour de Rome, il y soutint avec fermeté la dignité de la couronne contre l’ambassadeur d’Espagne. A son retour il passa du siège de Narbonne à celui de Toulouse, s’entremit pour la réconciliation de Henri IV avec le Pape, et fut l’un des trois commissaires ecclésiastiques qui prononcèrent la dissolution du premier mariage de ce prince (futur roi de France). 

    Transféré à l’archevêché de Rouen, il présida en 1605 l’assemblée générale du clergé. L’année suivante, il fut chargé par le Pape Paul V de le représenter comme parrain au baptême du dauphin.

      De retour en Italie, le cardinal François de Joyeuse travailla à rétablir la paix entre la cour de Rome et la république de Venise. Il fut ensuite nommé membre du conseil de régence établi par Henri IV quelques jours avant sa mort.

    Le cardinal de Joyeuse sacra la reine Marie de Médicis à Saint-Denis et le roi Louis XIII à Reims. Il présida les États généraux de 1614 et mourut l’année suivante, doyens des cardinaux, à Avignon.

    Henry, duc de Joyeuse, fut le quatrième frère des précédents, né à Toulouse en 1567, il mourut à Rivoli (Italie) en 1608.  

   Plus connu sous le nom de comte de Bouchage, puis sous celui de Père Ange, il embrassa la carrière des armes. Il se trouva dans plusieurs combats en Languedoc et en Guyenne. Il épousa Catherine de la Valette, sœur du duc d’Épernon, mais devenu veuf au bout de quelques années, la douleur qu’il ressentit de cette perte, le fit entrer dans un couvent de Capucins, ou il prononça ses vœux, le 4 décembre 1587.

     Après la journée des Barricades, les Parisiens, pour engager Henri III à revenir dans la capitale, lui députèrent à Chartres, une procession, à la tête de laquelle marchait le frère Ange de Joyeuse, couronné d’épines, chargé d’une grosse croix et fustigé par d’autres frères. Il représentait ainsi la passion de notre seigneur Jésus-Christ. Mais la mort de Scipion de Joyeuse, son cinquième frère, qui était devenu le seul héritier de la famille, força le Père Ange à quitter le cloître. Par le crédit du cardinal, son frère, il obtint les dispenses nécessaires, et reparut, en 1592, à la tête de l’armée qui ravageait le Languedoc.

     Le duc Henry de Joyeuse se trouvait à Carcassonne, le 19 décembre 1592 d’où il adressa de cette ville aux consuls de La Tour de France une lettre ainsi conçue :

  • « Sommation aux habitants de La Tour d’avoir à payer les impositions promises au duc de Joyeuse, père (Guillaume) lorsque l’on fit assemblée à Limoux, sous menace de les y contraindre par force, en y envoyant les troupes. » (Archives municipales de La Tour de France n°11).

     Henry de Joyeuse fut l’un des derniers partisans de la Ligue. Il traita enfin Henri IV, a des conditions avantageuses. Il fut fait maréchal de France, grand-maître de la garde-robe et gouverneur du Languedoc. 

     C’est de Saint-Paul-de-Fenouillet qu’il écrit en 1597 la lettre qui suit aux consuls de Latour de France, :

 

Lettre du duc de Joyeuse, pair et maréchal de France, Lieutenant-général pour le roi, pour le pays et le gouvernement du Languedoc.

     En considération que le lieu de La Tour nous appartient et que les habitants, sont nos vassaux, que nous les primes eux, leurs femmes, enfants, bestiaux et grains sous notre protection et sauvegarde. À cette cause, nous défendons expressément de ne sous loger aucun des membres ou soldats de vos compagnies dans le dit lieu, ni en celui-ci prendre ni fourrages, ni bestiaux, ni bleds sous peine de désobéissances.

Fait à Saint-Paul-de-Fenouillèdes,
Le 7 septembre 1597.

 

  • « Mon cousin, lui dit un jour Henri IV, placé à côté de lui à un balcon, ces gens-là qui nous regardent, disent de moi que je suis un huguenot converti, et de vous, que vous êtes un Capucin renié. » Cette plaisanterie et les remontrances de sa mère, femme très pieuse, le décidèrent à renoncer une seconde fois au monde. En 1600, on vit le duc Henry de Joyeuse, faire prêche à Paris.

Les mignons d'Henri III, bras armés du Roi -
Le Duc Henry de Joyeuse

  • La singularité de ses aventures attirait à ses sermons foules d’auditeurs plus touchés de son extérieur mortifié que par son éloquence. Quelques mois après, il passa en Italie, et ayant, voulu faire le voyage de Rome pieds nus, pendant l’hivers, il fut saisi de la fièvre, et mourut à Rivoli (Italie), dans la maison de son ordre, le 27 septembre 1608 à l’âge de quarante et un ans.

     C’est de lui que Voltaire a dit : Vivieux, pénitent, courtisan, solitaire, il prit, quitta, reprit la cuirasse et la Haire.

     Le plus jeune de tous les fils de Guillaume de Joyeuse avait été Antoine-Scipion. En 1587, il s’était retrouvé, par suite de la retraite de son frère Henry, dans un couvent, le chef de famille. Il commanda dans le Languedoc pour la Ligue ; mais ayant était battu devant Villemur, il prit la fuite et se noya dans le Tarn, en 1592.

     A la mort de ses autres frères, et à la suite de la rentrée au couvent de Henry, le cardinal de Joyeuses, alors archevêque de Toulouse et de Narbonne, reprit en mains la direction et l’administration de ses biens patrimoniaux. C’est comme tel, le 6 aout 1596, que c’est éminent prélat fit dresser l’acte de vente de la seigneurie de La Tour de France et de Planèzes, en faveur de noble Bertrand de Guillard, pour la somme de 7606 francs 56 sols. Le document s’exprime en ces termes :

  • « Scaichent tous présents et advenir que l’an mil cinq cent quatre-vingt-seize et le cinquième jour du moys d’aôust, régnant très chrétien prince Henry par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, avant midy, dans le chasteau de Balma diocèse de Narbonne., par devant moy notaire royal soubsigné ci-présant, des témoins bas nommés, aussi présent de sa personne Monseigneur Illustrissime  et Révérendissime  messire François cardinal duc de Joyeuse, archevêque de Tolose, lequel de son bon gré et libérale volonté a vendu a pacte de rachat perpétuel à noble Bertrand de Guillard là présent et pour lui et pour les siens stipulant et acceptant la terre  et seigneurie de La Tour, de Planèze, justice, droits de lods et doubles, agriers, droits et débours et généralement toutes les appartenances de la seigneurie de La Tour, de Planèzes.
    Cette vendition à esté faicte par le seigneur moyennant le prix et somme de sept mil six cent six francs cinquante-six sols , laquelle somme de trois mille trois cents francs vint sols pour parer à la somme due à damoiselle Catherine de Drouet femme du dit acheteur et haute et puissante dame Marie de Belarnay, vivante cousine à Monseigneur le maréchal de Joyeuse, nièce de mon Illustrissime, ainsi qu’appert par son testament retenu par moy notaire soubsigné le 15 juillet 1595. Plus la somme 500 francs, pour reste de la somme de 600 francs de rentes constituées par la dame de Drouet, par contrat du 25 juillet 1589 retenu par de Briguds notaire au Chastelet de Paris.
    Et la somme de 3773 francs 66 sols dues par Monsieur  François Illustrissime au dit de Paris par contrat du 25 mai passé, retenu par moy notaire soubsigné, réduisant toutes sommes à la somme de sept mil six cent six francs cinquante-six sols, montant du tout, , de laquelle somme le dit  Riduidio a quitté et quitte le dit le dit de Paris de ses soins, et est despoulsé de la place terre et seigneuris de La Tour et Planèzes, leurs appartenances et dépendances … » ( Archives personnelles de Clément de La Croix, ancien directeur du journal Officiel).

     La maison de Joyeuse tiendra durant plus d’un siècle, la seigneurie de La Tour de France, qui lui fut apportée en dot par Françoise de Voisins.

     Catherine de Drouet ne laissa pas d’enfants de son union avec Bertrand de Guillard, nouveau seigneur de La Tour de France et de Planèzes. Elle resta veuve, et avant son décès, elle légua son nouveau domaine seigneurial à sa nièce, Gilette de Drouhet. Cette dernière unit ses destinées à François de Roquefort, marquis de Montesquieu en faveur de qui elle testa, le 4 juin 1620 La seigneurie de La Tour de France et de Planèzes passa alors en la possession d’une autre haute famille Française, celle des Montesquieu, dont l'histoire à la tâche de retracer les annales, à travers le cours des XVIIe et XVIIIe siècles.

 

 

V -- LA FAMILLE DE MONTESQUIEU

 

     Avant le traité des Pyrénées signé en 1659 entre la France et l’Espagne, la ligne de délimitation des deux royaumes était située en Montner et La Tour de France. C’est en vain que l’on essayerait de retrouver de nos jours en ces lieux, des vestiges ou des traces de l’ancienne démarcation des nations franco-espagnoles.

     Sur un rocher hérissé au milieu des vignes, au dénommé : La Roque d’en Talou, on distingue toutefois la forme d’un blason creusé dans le vif du granit et de quatre chevrons superposés. Ce sont les armes de la maison de Montesquieu, la famille seigneuriale de La Tour de France, dans le cours des XVIIe et XVIIIe siècles. En héraldique elles s’établissent ainsi : D’argent à quatre chevrons de sable.  À n’en pas douter, ce roc surmonté de l’écu de Montesquieu, marquait la limite ou le terme des propriétés du seigneur de La Tour de France.

    François de Montesquieu qui épousa Gilette de Drouet le 21 novembre 1615 devant maître Pierre Galtier notaire de Tuchan, descendait d’une vieille famille du Lauraguais, dont on connait les aïeux, dès le XIIIe siècle.

    Bertrand de Montesquieu, seigneur de Montesquieu, était parmi les gentilhommes convoqués à Carcassonne, le 25 mai 1282 par le roi de France qui marchait en guerre contre le roi d’Aragon. Raymond de Montesquieu, damoiseau faisait partie, en 1324 de la cour d’Amalric, vicomte de Narbonne.

     Assalit de Montesquieu, damoiseau, fit son testament, le 4octobre 1361. Il fut le père de Loys de Montesquieu, chevalier, marié par contrat du 30 août 1367, à Géraude de Fenouillet, dame de Coustaussa, fille émancipée de Raymond de Fenouillet et de Brunissende de Castelpor. Il eut pour fils Raymond de Montesquieu, seigneur de Montesquieu dans le Lauraguais et de Coustaussa (11). Celui-ci testa, le 9juin 1449. Il avait épousé par contrat du 10 avril 1418, Brunissende de Durts, fille de Galcerand de Durts et de Jacmette.

     Antoine de Montesquieu, seigneurs des fiefs de son père et de Raissac (09), dit dans le testament qu’il fit le 10 novembre 1458 qu’il eut de sa première femme, Sibylle de Roquefort, Antoine, et de la deuxième Imberte de Varaignes, jean de Montesquieu, légataire de l’auteur de ses jours, avec subdivision à l’hérédité entière, en cas de mort sans hoirs, de son frère aîné. Antoine de Montesquieu unit ses destinées à celles de Jeanne de Peyrepertuse, le 24 janvier 1459. Elle testa le 6 janvier 1498 ; elle était la fille de Pierre de Peyrepertuse, seigneur de Rabouillet. De cette union, naquit un fils, François qui fut leur héritier.

     François de Montesquieu, seigneur de Montesquieu, Coustaussa, Le Lac, Solages, et de Saint-Louis, épousa avec contrat de mariage, le 19 mai 1485, Catheine du Vivier, fille de Guillaume du Vivier et d’Adouse de Ca Ribera. Il fut maitre de l’artillerie de France à l’armée d’Italie où il avait suivi le roi au mois août 1493. Il testa le 14 août 1524, en laissant deux enfants : Jean, et Guillaume-Arnaud de Montesquieu.

     Jean de Montesquieu, se maria le 18 février 1517 avec Germaine de Lévis-Léran, fille de Gaston de Lévis et de Jeanne de Caramany de Nègrepelisse. Il testa le 31 août 1542. De cette union naquirent, trois garçons et deux filles : Arnaud, Guillaume de Montesquieu, chevalier de Malte en1551, François de Montesquieu, Catherine qui épousa François de Trelles, le 7 janvier 1540, et Françoise, femme de François-Gérard de Rigaud de Vaudreville.

    Arnaud de Montesquieu, seigneur de Montesquieu, Coustaussa, Le Lac, Souille, épousa par contrat, le 14 septembre1548, Gabrielle de Saint-Felix-Manrémont, fille de François de Saint-Felix et de d’Antoinette de Puybusque. Il testa le 3 juin 1592 et laissa six enfants ; Germain qui recueillît sa succession ; François, qui par son mariage avec Gilette de Drouet, devint la tige des nouveaux seigneurs de La Tour de France ; Louise, qui unit ses destinées, le 17 septembre 1581 à Odet de Roquefort, seigneur de Billière, Constance, femme de François de Couderc, seigneur d’Artagnac ; Marguerite, alliée par contrat du 21 décembre1593 à Guien de Foucaud, seigneur de Langautier ; Antoinette, marié à Gabriel de Montredon, seigneur de Gasparet.

 

 

1° - FRANÇOIS DE MONTESQUIEU

 

     Le 6 juillet 1625, François de Montesquieu, seigneur de La Tour de France bailla en affermage à Garaud Bès, meunier, né à Roquefort, « Les moulins fariniers à deux meules qu’il a à La Tour, pour un an, moyennant cent cinq setiers de blé froment, beau et marchand, un pourceau de 12 livres, douze galhines, huit chapons, deux douzaines de poulets ». Au mois d’août 1632, ce même gentilhomme donna cent livres pour que la fille de Philippe Bierne put se marier.

     Les relations des consuls et du seigneurs de La Tour de France n’étaient pas toujours empreintes de cordialité.

     Le 18 avril 1635 Pol Saint-Félix, procureur de François de Montesquieu représenta qu’une ordonnance avait été portée contre les consuls de La Tour. Ce document exigeait que dans l’espace de trois jours, ces édiles fissent la reconnaissance des droits féodaux du four bannier. À l’issue de cet acte, ils prêteraient foi et hommage au seigneur de la localité. Les consuls allégèrent divers prétextes et voulurent que le procureur du seigneur vînt à La Tour ; celui-ci avait stipulé, qu’il devait se rendre à Arques (11). Après avoir refusé une première fois cette concession, il l’agréa ensuite.

     Il monta à cheval, alla coucher à Bugarach, et le lendemain, 4 juin, arriva à La Tour de France. Il convoqua les consuls qui ne se présentèrent point.

    Le lendemain, le 5 juin les édiles, se présentèrent et affirmèrent avoir qu’ils avaient déjà rempli la formalité qu’on leur demandé de réitérer en ce jour. Les consuls prononcèrent toutefois la formule de reconnaissance, et le sieur Devy procureur de François de Montesquieu, leur présenta le missel de l’église de La Tour pour prêter le serment de fidélité au seigneur. 

     Les consuls déclarèrent qu’en vertu de leur acte de reconnaissance, le seigneur était reconnu haut justicier avec moyenne et basse justice, et maintenu dans son droit de corretage (droits de mesurage).

     Le dénombrement des terres et seigneurie de François de Montesquieu, fut effectué à Carcassonne, le 17 mai 1639. Il établissait de la sorte le relevé de ses domaines seigneuriaux :

  1. Les Châteaux et seigneuries des lieux de La Tour, Planèzes,
    Saint-Martin, avec toute justice haute, moyenne et basse, mère et mixte empire. La terre de ces seigneuries lui rapporte environ 10 setiers de blé, tout frais déduits ;
  2. La tasque de ces seigneuries lui revient à peine à 20 setiers de blé, frais déduits.
  3. La tasque du vin, frais déduits, environ 20 charges de vin ;
  4. Pour l’huile, la tasque,  lui revient environ à 1 charge d’huile ;
  5. Le courtage, mesurage et permission débiter les chairs lui rapporte environ 25 livres ;
  6. Il à encore une vigne de 10 journées à fossoyer, qui porte environ 4 charges de vin ;
  7. Il à encore deux moulins à eau, l’un pour la farine, l’autre pour l’huile dans un même enclos, encore un moulin drapier. Il est vrai que le moulin drapier est vieux, les autres sont en bon état. « Mais, notait avec amertume le seigneur, depuis quelques temps, les habitants du dit lieu de La Tour, en hayne de procès qu’ils ont contre moi, de leur autorité privée, ont fait construire deux moulins à farine et à huile, dans un arrière-fief qui relève de moi et qui est au sieur archevêque de Narbonne, tellement que depuis mes moulins demeurent en chôme et ne me rapporte aucune rente, au contraire ; il faut y employer beaucoup de réparations ».
  8. Pour les droits de censives, de lods, de rente, il y à aussi procès entre François de Montesquieu et les habitants de La Tour de France. Sur ces fondements, les habitants prennent prétexte à ne payer que fort peu, environ 10 livres par an ;
  9. Le seigneur démontre qu’il a été déchargé du ban et arrière-ban à raison de son âge ou des services rendus au roi et à ses prédécesseurs et encore par ce que les terres de La Tour, Planèzes et Saint-Martin sont limitrophes du royaume d’Espagne, ainsi, il est notoire, tellement qu’en raison des guerres entre Sa Majesté et le d’Espagne, il est obligé pour la conservation de ces places de tenir garnison de plusieurs soldats à l’entretien desquels les revenus de ladite place sont insuffisants.

     En 1636, les ennemis de l’État commencèrent à faire des courses sur les frontières, et même un régiment Espagnol est logé à Estagel, qui est proche de La Tour, et comme le lieu de La Tour est lieu sans aucunes forteresse, partie des familles s’en allèrent.

     En l’année 1637, quand les Espagnols levèrent le siégé de Leucate, le dit lieu de La Tour se déserta entièrement et demeura inhabitable pendant deux années de suite, à cause des courses que les ennemis faisaient, et même que feu Monseigneur le prince de Condé avait fait une ordonnance qui défendait de ne tenir aucune sorte de bétail à trois lieues de la frontière dans le territoire du dit La Tour. Il ne se travaillait rien.

     En 1639, l’armée du roi campa durant 11 jours au dit lieu de La Tour, ce qui ruina tout à fait le dit lieu et en l’année 1640, le lieu acheva de se perdre entièrement par le pillage et le brulement de tout le lieu, à la réserve de l’église qui fut sauvegardée par l’armée Espagnol, ce qui fut cause que le dit lieu demeura quasi désert pendant quelques années.

     François de Montesquieu mourut en 1639, son fils Annet de Montesquieu recueilli sa succession.

 

 

2° - ANNET DE MONTESQUIEU
(1640-1667)

 

     François de Montesquieu seigneur de La Tour de France, avait une sœur, Françoise qui avait contacté alliance avec un marchand de la localité, appelé Jean Gironne. Leur fille Marie Gironne de Montesquieu, devait épouser, plus tard, le 3 février 1661, Jean Izard fils du bailli de Cucugnan.

    Le frère de Jean Gironne, marchand de La Tour, Paul Gironne acheta le 24 novembre 1656, à Pau Couronnat, l’étude notariale que celui-ci avait acquise le 23 octobre 1624 de M. de Caminade.

     Durant deux siècles, de père en fils, les 5 générations de la maison Gironne ont administré l’office notarial en se transmettant la succession familiale.

  • Paul Gironne, fut notaire à La Tour de France, de 1656 à 1694 ;
  • Jean Gironne, son fils, de 1694 à 1746 ;
  • Jean-Pierre Gironne, le petit fils, le fut de 1746 à 1779 :
  • Pierre Gironne, le devint en 1179 et testa en 1818 en faveur de :
  • Grégoire Gironne, qui dirigea l’étude jusqu’en 1831, date à laquelle il la céda à Jean-Baptiste Cussol.

    Le 2 novembre 1665, Annet de Montesquieu, seigneur et baron de La Tour de France, condamna, Pierre Rougé, à être pendu en effigie. « Messire Annet de Montesquieu, seigneur et baron de La Tour a dit que Pierre Rougé, habitant de La Tour, prévenu et fugitif a été contraint et convaincu de crime et de larcin et par sentence des officiers ordinaires du dit lieu, confirmée par arrêt du parlement de Tholose a été condamné à être pendu en effigie et ses biens confisqués au profit du dit seigneur distrait les frais de justice que le dit seigneur a payés et par ce moyen, tous les dit biens lui restent entièrement. Desquels dit biens, ledit seigneur de La Tour par vertu de cet acte, vaut purement et à perpétuité à Jean Mouné, procureur juridictionnel du dit Latour de France, recevoir une petite maison…50 livres. »

     Le baron Annet de Montesquieu, seigneur de La Tour de France, de Soulatgé et de Planèzes, avait épousé par contrat (reçu par Isarn, notaire au lieu de Montgaillard, au diocèse de Narbonne), le 25 septembre 1652, Anne d’Aban de Moux, fille de François d’Aban et de Paule de. Sept enfants naquirent de cette union.

  • Jean-Hyacinthe de Montesquieu, qui fut l’héritier et le successeur.
  • François, seigneur de Planèzes, Capitaine de grenadiers au régiment de Zustauben-infanterie. Il fut créé chevalier de Saint-Louis le 30 mai 1704, lieutenant-colonel réformé du régiment allemand de Greder (Deux régiments d’infanterie du Royaume de France ont reçu la dénomination « régiment de Greder » : un régiment suisse, qui deviendra le régiment de Vigier, et, un régiment allemand, qui deviendra le régiment de Salm-Salm), le 7 avril 1705 et gouverneur de Peyrepertuse le 7 avril 1706.
  • Melchior, qui embrassa la carrière ecclésiastique, est connu sous le nom d’Abbé de La Tour de France.
  • Joseph, mort en bas âge,
  • Marie, Claude et Virginie.

     Annet de Montesquieu fit son testament le 29 octobre 1667 et mourut quelques jours après.

    Le 23 février 1668, sa veuve Anne de Montesquieu d’Aban, fit dresser l’inventaire détaillé des biens meublés (château de La Tour de France) de son mari défunt, à seule fin de laisser l’hérédité à l’un de ses enfants qu’elle allait désigner.

     Ladite dame d’Aban, a baillée un livre ou est inscrit le dernière compte que feu son mari Annet de Montesquieu avait fait de son bétail menu, qui est du 11 octobre 1667, écrit de la main du dit seigneur, par lequel est dit, qu’il y a : 996 moutons, 449 brebis, 227 bouregs ou bourrègues , 48 chastrés, 31 chèbres et 7 chebrons ; ladite dame a déclaré que la susdite quantité de bétail s’y trouva lors du décès du dit seigneur de La Tour de France.

  • Le premier article qui est dit au livre, est le compte de Bigon pasteur.
  • Plus, ladite dame a déclaré que lors du décès du dit seigneur de La Tour, il y avait à Ligassade la quantité de 19 caballes ou poulains de marque et 7 poulains ou poulines.
  • Plus Guillaume Benet tient en gazalhe la quantité de 95 chèbres,y compris 4 bouctx et 21 chabrides.
  • Plus ledit Guillaume Benet tient en gazalhe la quantité de 80 brebis compris 10 maras et 18 bourègues qui font en tout de bétails à laine ; 108 bestes
  • Plus a déclaré ladite dame, que Sirach de Tautavel lui tient en gazalhe la quantité de 111 chèbres, compris 5 boucs et 33 chabrides, faisant en tout 144 bestes.
  • Plus a déclaré ladite dame, que ledit Sirach, lui tient en garde la quantité de 50 chastrés et 18 crabits d’un an, lequel bestial provient de la même gazalhe.
  • Plus a déclaré ladite dame, que Prunet, du lieu de Boule, lui tient en gazalhe, la quantité de 81 brebis et 1 mara, et de 36 bourègues.

Toutes les susdites gazalhes ladite dame a déclaré que ledit seigneur lui avait bailliées, comme appert par les contrats qui sont entre les mains du notaire.

      Présents : Etienne Monné, et Marcel Estanet, habitants de La Tour, signés avec nous, Mainau, commissaire et moi, Pol Gironne, écrivain, signé.

 

 

3° - HYACINTHE DE MONTESQUIEU

     Le fils ainé et l’héritier désigné d’Annet de Montesquieu, fut Jean Hyacinthe de Montesquieu. Ce gentilhomme ne parait pas avoir joui d’une santé florissante, c’est sa mère Anne d’Aban qui administra les biens seigneuriaux de La Tour de France, durant tout le cours de sa vie. Cette dame avait un frère, Melchior d’Aban, qui était chanoine de Narbonne.

     C’est du vivant de Jean Hyacinthe de Montesquieu que fut construite l’église actuelle de La Tour de France (1674-1691). Jean Hyacinthe baron de La Tour de France, seigneur de Soulatgé et de Planèzes, fut maintenu dans sa noblesse, à la mort de son père.    

    De son union avec Anne-Marie de Roux de Montbel, (fille de Pierre de Roux, seigneur de Montbel et de la Terrasse, syndic-général du Languedoc à Carcassonne, et de Marthe du Peyrat),  Ils eurent pour enfants :

  • François-Claude de Montesquieu, né le 11 août 1685, fut l’héritier de la baronnie de La Tour de France ;
  • Françoise de Montesquieu, fut marié par contrat du 27 août 1702 avec Charles de Rochechouart, comte de Clermont 1681-1730, baron d’Aureville, barons des États du Languedoc, fils de feu Jean-Joseph-Gaston de Rochechouart et de Marie de Montesquieu-Coustaussa ;
  • Anne, contracta mariage, le 17 aout 1713, avec Louis-Alexandre de Monstron de Sauton, baron d’Escouloubre, de Sainte-Colombe, seigneur des dits lieux et fils de Louise de Bruyères de Chalabre.

     Hyacinthe de Montesquieu, mourut à la fin de l’année 1688.

 

 

4° - FRANÇOIS-CLAUDE DE MONTESQUIEU

 

     Francois Claude de Montesquieu, marquis de Roquefort, baron de La Tour de France, seigneur de Bugarach et de la Terrasse et Coustaussa, fils ainé et l’héritier de Jean-Hyacinthe de Montesquieu et d’Anne de Roux de Montbel, né le 11 août 1685, n’avait que trois ans à la mort de son père.

     Claude de Montesquieu, fit ses preuves de noblesse pour être juge de la petite écurie du roi, le 30 mars 1701. Il fut ensuite reçu mousquetaire dans la première compagnie.

     Sa mère et sa grand-mère dirigèrent pendant sa minorité l’administration de la seigneurie de La Tour de France. 

     Dans le nombre de ses propriétés seigneuriales se trouvaient : le droit de mesure, la boucherie et le four banal. Les deux dites dames les affermèrent en 1689 et 1691, moyennant des redevances en espèces.

     Le 9 février 1689, le corretatge ou droit de mesure, est affermé à Coronat pour la durée de six années, moyennant 60 livres tournois de monnaie. Pendant cette durée de temps, « le dit Coronat était tenu d’aller mesurer le vin et l’huile avec les mesures que la dites dame de La Tour lui à baillées, à tous les estrangers qui voudrons acheter vin ou huile, et faire la mesure comme elle se doit faire, aussi bien pour ceux qui vendent que ceux qui achètent, et on ne pourra prendre pour le corretatge qu’un sous et six deniers pour charge de vin et six deniers pour chaque dourg d’huile.

  • Défense est faite au fermier Coronat de rien prendre aux habitants du lieu de La Tour qui voudrons se servir des mesures pour prendre du vin ou huile les uns des autres. »

      Dame de La Tour, Anne-Marie de Roux de Montbel, afferma, cette même année, la boucherie à Pélissier, au prix de 90 livres annuelles.

  • « « Ledit Pélissier, porte le cahier des charges, sera tenu d’avoir bonne chair de mouton et ne pourra la vendre qu’au prix de 6 sols six deniers, la livre grosse. Pour le bœuf, châtré et brebis, il ne sera tenu d’en tenir que dans les saisons, où il s’accoutume de tuer cette sorte de bétail ; il ne pourra vendre ladite chair plus de 4 sols et demi la livre grosse et non davantage…. L’hiver, il sera tenu d’escorcher le soir pour débiter le lendemain. Il ne pourra vendre une chair pour autre, ni aucune chair de nourine sous peine de 30 livres 10 sols d’amende qui sera au profit de ladite dame de La Tour, toutes les fois qu’il sera trouvé en fraude, et, sous la même peine, toutes les fois qu’il sera attrapé à faire faux poids. »

      Le 30 janvier 1691, Anne-Marie de Roux de Montbel loua le four banal de la Tour de France à Joseph Pélissier, hôtelier de cette localité, Ce dernier devait payer 350 livres pour l’année. Il lui fut défendu d’employer son père, Jean Pélissier, comme fournier ; il devait porter son choix sur un habile boulanger. Pélissier s’engageait, à réparer le dommage auquel il aurait causé préjudice. Il devait laisser libre les gens de faire leur pain dans leur flaquières. Il ne devait contraindre personne à donner des estraines, et ne jamais prendre de droit de fournage des gâteaux jusques au nombre de trois, et il devait faire cuire son four tous les jours, lors même il ne dût y avoir une seule fournée.

     L’année suivante, ce furent les trois consuls de La Tour de France, Louis Cayral, Philippe Trilha et Guillaume Calvet qui affermèrent le four banal à Antoine Barthès pour la somme de 432 livres tournois.

     Le 20 mai 1692, François Gironne, marchand de La Tour de France, se porta caution pour Pierre Joué, habitant de Bugarach, pour la somme de 21 livres, valeurs estimées de 8 chèvres menant 5 chevreaux qui avaient été capturés « par la brigade des affermes vinyes du Roy ».

      Les archives du Fenouillèdes et du Roussillon conservent de nombreux documents, qui enseignent que nos aïeux aimaient boire frais, durant les mois chauds de l’été. Il n’est pas de localité où on ne rencontre le « droit de glace », qui été mis annuellement à l’adjudication et que conservait en redevance un particulier, au nom du seigneur.

  • Le 5 mai 1694, Pierre Despart, marchand de La Tour de France, fermier de la glacière vend à Joseph Pélissier hôtelier de La Tour, la glace qui se trouvera dans la glacière au prix de 20 sols le quintal. Il y à dans la glacière environ deux cents quintaux de glace. Il ne pourra prendre chaque fois moins qu’un quintal et demi. Il devra la vendra aux habitants de La Tour au prix de quatre deniers la livre. La vente ne pourra avoir lieu que du 8 mai à la fin octobre.

     Le 18 juillet 1694, Anne-Marie de Roux de Montbel, dame de La Tour de France et les consuls de le localité, Antoine Coronat et Jean Ronde, baillèrent à prix fait et à frais communs, le travail suivant à Jean Serres, maitre-maçon de Saint-Paul-de-Fenouillet, l’homme d’art qui venait de construire l’église paroissiale de la commune :

  • Mettre en bon état et élargir le pont qui porte l’eau au moulin de Madame de La Tour, lequel est à la sortie de la balme qui traverse le ruisseau du torrent, le tout pour 120 livres. Refaire les murailles nécessaires aux bords du canal du moulin, au -dessus de la Balme jusqu'à l’écluse, au prix de 30 sols la cane. Madame de La Tour et les consuls devaient faire élever les fondements ; ils portèrent les matériaux à pied d’œuvre.

     On connait le rôle important que l’imposition du sel, appelé la gabelle, joua sous le règne de Louis XIV. Et les agents du gouvernement exercèrent leurs perquisitions au pied de la lettre. Le 20 août 1695, Antoine Claris, brigadier de la gabelle à la brigade de La Tour de France étaient en service commandé avec sa section. Lors d’un contrôle, sur le terroir de Maury, ses hommes interpellent Madame de Breuil. Cette personne, escortait un valet avec un mulet sur lequel se trouvait, au milieu des charges, onze livres de lard salé du sel de Roussillon.

     La saisie de la monture fut immédiate et le brigadier Claris, en attendant le jugement de cette affaire, confia le mulet à J. Sivieude, en le chargeant de le nourrir.

     Le 20 mai 1699, Louis Pla, mangounié (épicier) à la Tour de France, s’engagea à fournir toute la glace ou la neige nécessaire aux habitants du lieu, depuis le 24 mai jusqu’au 15 octobre de l’année courante, au prix de 9 deniers la livre. Il devait subir une amende de 3 livres 10 sols, toutes les fois qu’il serait dépourvu de marchandise. Les revenus de l’amende devaient appartenir aux pauvres de l’endroit.

     François-Claude de Montesquieu, le jeune seigneur de La Tour de France n’était âgé que de 14 ans en 1699, lorsque le 27 août de cette année, sa mère Anne-Marie de Roux de Montbel afferma à Trilha et à Biscaye, la place, terre, seigneurie de La Tour de France, Planèzes et Saint-Martin, labourage, château, couverts, moulins à farine et à huile, censives, tasques et autres droits et devoirs seigneuriaux quelconques, que la dite dame à accoutumé de prendre ou de recevoir aux dits lieux, excepté seulement le droit de Lods et ventes et droit de fisc que la dite dame se réserve. Les preneurs promirent de payer chaque année, 360 livres, 3 setiers de haricots, 2 charges de vin blanc et 1 charge d’huile. Les adjudicataires eurent le droit de se servir des cuves, tonneaux, fouloirs, comportes et jarres qui se trouvaient au château de La Tour de France, de tous les outils du moulin à farine, dont inventaire fut dressé.

     L’acte fut conclu en présence de F.Abram ancien curé de Maquens.(hameau, Carcassonne).

     La justice de l’ancien régime était de triple nature ; on la dénommait haute, moyenne et basse. La première, était réservée au roi, elle comportait le droit de vie ou de mort. La seconde souvent en possession des seigneurs particuliers, jugeait les délits du ressort des tribunaux correctionnels. La troisième était celle des sièges de juges de paix ; elle appartenait à tous les seigneurs

     Le seigneur de La Tour de France avait dans ses attributions la juridiction totale de l’exercice des trois justices sur tous ses sujets. Un édit royal, du 8 avril 1672, lui avait décerné ce privilège. Le 13 juin 1703, la dame Marie de Roux de Montbel le publia de la façon suivante :

  • « Par devant Guillaume Boyer, conseiller du roi et magistrat présidial en la sénéchaussée de Limoux, Antoine Trinchau, procureur de dame Marie de Roux de Montbel dame de La Tour, a dit que nos seigneurs les commissaires généraux députés par sa Majesté pour l’exécution de son édit du 6 avril 1672 lui ayant adjugé la vente et aliénation à titre d’inféodation et de propriété incommutable de la haute justice du dit lieu de La Tour et Planèzes pour l’exécution d’icelle. »

     Le dimanche suivant, ayant fait assemblée dans la salle du dit château de La Tour les sieurs Paul Gironne et Jean Savignague consuls et la plus grande partie des habitants et justiciables du dit lieu et Gratien Chiffre, consul du lieu de Planèzes, et autres habitants, avons procédé à la lecture et publication du dit acte de vente de la haute justice des dits lieux et droits utiles et honorifiques y attachés ayant pris la dit dame par sa main, l’avons publiquement mise en possession réelle, actuelle et corporelle et jouissance de la haute justice des dits lieux de La Tour et Planèzes. Avons fait prohibition et défense aux habitants de recevoir pour le fait de la haute, moyenne et basse justice par devant d’autre juge que celui qui sera nommé par ladite dame et ensuite reçut au dit sénéchal, à peine de nullité des procédures, 1000 livres d’amende et dommages et intérêts. 

     Après avoir atteint l’âge de la majorité, François-Claude de Montesquieu dirigea les intérêts et les affaires de sa maison. On le trouve affermant, le 23 septembre 1710, la seigneurie de La Tour, Planèzes et Saint-Martin, moyennant une rente annuelle de 3600 livres.

   Le 14 octobre 1722, il épousa Marie-Lucrèce d’Hautpoul, fille de Hyacinthe d'Hautpoul, seigneur de Roquevert, (Capitaine de carabiniers dans la Brigade de Coucelles.) et de Claire de Villemur-Pailhès.

    François-Claude de Montesquieu, marquis de Roquefort et seigneur de La Tour de France testa le 29 décembre 1751 et mourut 16 avril 1752 paroisse Saint-Etienne à Toulouse.

     De son union avec Marie-Lucrèce d’Hautpoul François-Claude de Montesquieu, marquis de Roquefort et seigneur de La Tour de France, eut 8 enfants

  1. François de Montesquieu, né le 12 août 1724 est mort jeune ;
  2. Pierre-Hyacinthe de Montesquieu, né le 10 août 1726, page de la petite écurie du roi (avril 1742), gentilhomme à drapeau aux Gardes-Françaises le 15 janvier 1745, deuxième enseigne au corps le 19 février 1746, décède au mois de novembre de la même année.
  3. Blaise de Montesquieu qui lui succéda ;
  4. Paul de Montesquieu, né le 4 juin 1732, mort en bas âge ;
  5. François de Montesquieu, né le 6 mars 1736 ;
  6. Jean-François-Charles de Montesquieu, né le 15 juin 1738, fit ses preuves pour l’ordre de Malte le 9 novembre 1749 et mourut peu après ;
  7. Marie-Anne de Montesquieu, née le 19 juillet 1723, mourut le 13 janvier 1746, après avoir épousé, le 17 janvier 1747, Charles-Augustin de Vignes, marquis de Puylaroque, seigneur de Cornusson ;
  8. Marie de Montesquieu, marquise de Roquefort, baronne de Bugarach et de la Terrasse, mariée le 15 juin 1766 à Pierre d’Hautpoul de Seyres, fils de Pierre-Hautpoul-Rennes, seigneur de Rennes-les-bains (11) et de Jeanne de Vernon, dame de Seyres.

     Après la mort de Francois Claude de Montesquieu en 1752, la branche Roquefort de cette famille s'éteint dans la famille d'Hautpoul.

     Le recalibrage du canal de la Balme fut effectué entre 6 octobre 1721 et le mois de juin de l’année suivante. Ces travaux s’étaleront sur neuf mois environ. Le 3 août 1722, un arrêté du compte du nouveau canal dans le rocher de La Tour de France fut signé entre M.de Roquefort et la communauté. Les dépenses payées par la commune s’élevèrent 1570 livres

 

 

5° - BLAISE DE MONTESQUIEU

 

     Blaise de Montesquieu, le troisième enfant issu de l’union contactée entre le marquis François-Claude de Montesquieu de Roquefort et Marie-Lucrèce d’Hautpoul, né à Coustaussa (11) le 3 décembre 1729. Il était, baron de La Tour de France, Planèzes, Saint-Martin, Bugarach, et La Terrasse. Capitaine des gendarmes du duc de Berry il décède à Lunéville le 20 août 1771.

     Blaise de Montesquieu fut nommé lieutenant de cavalerie le 10 février 1759. Il avait sept ans lorsqu’il est devenu baron de La Tour de France au décès de son père, François-Claude de Montesquieu. Promu chevalier de Saint-Louis, le 5 mai 1760, Blaise de Montesquieu devint maitre-de-camp, le 20 février 1761. Il obtint le grade de capitaine-lieutenant de la compagnie des armes d’ordonnances au titre du duc de Berry, le 11 mai 1762.

     Blaise de Montesquieu, était en garnison à Lunéville (Meurthe et Moselle) lorsqu’il fut atteint de la petite vérole. Il en mourut le 20 août 1771 après avoir rédigé son testament dans les termes suivants :

 « Aujourd’huy, dix-neuvième aoust mil sept cent soixante et onze, sur les onze heures du soir, Monsieur Blaise de Montesquieu, Marquis de Roquefort, brigadier des armées du Roi, Capitaine-lieutenant de la compagnie d’hommes d’armes sous le titre de gendarmes de Berry, logé au château de Lunéville a fait appeler le notaire royal au bailliage de ladite ville soussigné vers les dix heures du soir et s’étant rendu dans son appartement, il l’a trouvé malade et alité, mais sain d’esprit, mémoire et entendement, ainsi qu’il est apparu au dit notaire et aux témoins cy-après nommés ; lequel seigneur marquis de Roquefort a en leur présence requis le dit notaire de recevoir promptement et de mettre par écrit son testament qu’il lui a dicté mot à mot et qu’il a en effet rédigé dans tous les termes et en la forme suivante :

      Disposition générale que je fais de tous mes biens en faveur de Madame d’Hautpoul, ma sœur, à qui je donne tous mes biens, à condition pour elle de remplir les legs suivants :

Cent mille francs à Madame de Puylaroque et soixante mille francs à chacune de ses deux sœurs.

    Je donne et lègue à tous mes domestiques qui sont à mon service dans ce moment cy, à savoir :

  • Huit mille francs au nommé François et toute ma garde-robe ; avec six cents livres de rente viagère que mon héritier lui paiera.
  • Je donne au nommé Courtois huit mille francs.
  • À Blanc, mon cuisinier, je lui donne la somme de deux mille écus et cent écus de rente viagère.
  • À Lajeunesse, mon palefrenier, cent écus de pension.
  • Tous les susdits legs voulant qu’il soit exécutés et qu’on donne une aumône légère d’un louis à l’hôpital.

     Il sera trouvé dans mon secrétaire la somme de mille huit cents livres qui sera remise à M.D’Antichamp pour fournir aux frais funéraires. Mon héritier ci-dessus paiera les loyers de ma maison de Paris

Fait à Lunéville, ce jourd’huy 19 août 1771.
Signé : MONTESQUIEU DE ROQUEFORT.

 

      Et après que ledit testament été lu au testateur, par ledit notaire, il a sur chaque article lu écrit et relu témoigné sa volonté être telle, le vouloir ainsi, y a persisté et la signé en présence de M. Charles-Louis, marquis de Montagu, sous-lieutenant de la compagnie des gendarmes de Berry et de M. Pierre-Barthélemy Sorbier, chirurgien-major de gendarmerie, demeurant au dit Lunéville, témoins qui ont aussi signé le présent acte avec ledit notaire, après lecture faite.

Signé : LE MARQUIS DE MONTAGU, P.B. SORBIER, FEBURES.

 

 

 

6° - JOSEPH-HUGUES DE MONTESQUIEU 
(1779-1789)

 

     La dame Marie de Montesquieu de Roquefort, épouse de Pierre-François d’Hautpoul, seigneur de Rennes-les-Bains et sœur de Blaise de Montesquieu, Baron de la Tour de France, fut l’héritière de ce dernier. Durant huit années, elle administra qui lui avait appartenu. Elle fut entravée dans la gestion de ses biens par son beau-frère, Vignes de Puylaroque et de ses sœurs.

      Un arrêté du parlement de Toulouse, daté du 15 juin1779, fut rendu en faveur de Marie d’Hautpoul contre les prétentions de ses propres parents. Ceux-ci en demandèrent la cassation au conseil, mais ils furent déboutés de leur demande.

     Le 15 mai 1779, la dame d’Hautpoul, fit à Toulouse la vente de la seigneurie de La Tour de France, Saint-Martin et Planèzes, en faveur de Joseph-Hugues d’Arnaud écuyer de Perpignan, pour la somme de 210.000 livres.

  • « L’an 1779 et le 15 de may à Toulouse, dame Marie de Montesquieu, épouse de Pierre-François d’Hautpoul, seigneur de Peyre, traitant de ses biens libres et paraphernaux, procédant tant de son propre chef que comme héritière de haut et puissant seigneur de Montesquieu de Roquefort, son frère, suivant son testament retenu par Fébures, notaire à Lunéville, le 19 août 1771. 

     La dite dame fait vente pure et simple avec transport de propriété en faveur de Joseph-Hugues d’Arnaud, écuyer demeurant à Perpignan, à savoir : des terres et seigneuries de La Tour de France et Planèzes, ensemble du fief de Saint-Martin qui est uni et forme une dépendance des dites terres situées au diocèse d’Alet, sénéchaussée de Limoux ; les dits trois objets vendus consistant principalement :

  1. En la justice haute, moyenne, basse, foncière et directe dans La Tour de France, Planèzes, avec droit de chasse, de pêche et d’y nommé les consuls, déclarant néanmoins que la haute justice en tout et en partie, droits de chasse et de pêche soient tenus en engagement de sa Majesté au moyen de la finance qui fut payée par les auteurs de ladite dame et du droit de confirmation d’icelle.
  2. En un château situé dans la terre du dit La Tour, un autre tombant en vétusté situé dans la terre de Planèzes, moulin à blé et à huile avec leurs adjacences, maison servant pour la boucherie, hangars et autres appartements, s’il y en a considéré comme appartenant à ladite dame d’Hautpoul, dans l’étendue des dites terres et fiefs.
  3. En droits de champart dont partie sont quérable, dimes dans les fiefs de Saint-Martin, droits de corretage sur le vin et l’huile, rente annuelle de 120 livres que la communauté de La Tour paie pour impositions, autres rentes en censives payées en argent, poules œufs, vin et autres.
  4. En plusieurs pièces de terre ou champs, olivettes, prés, vignes, et autres possessions culte ou incultes, presque toutes nobles, avec droit de lods, prélation et tous autres droits nobles et honorifiques, mais avec les charges, impositions royales et auxquelles lesdites terres se trouvent assujetties.

   Notamment à l’Aumône annuelle de 150 livres aux pauvres de La Tour, à la rente obituaire d’environ 25 livres envers le Chapitre de Saint-Paul-de-Fenouillet, et celle de 5livres 14 sols pour l’albergue annuelle envers Monseigneur l’archevêque de Narbonne.

    Finalement ladite dame fait vendre des cuves, vaisselles, vinaires et autres ménageries dont les fermiers actuels sont chargés par inventaire, de tout le bois ouvré ou non ouvré, et divers matériaux. 

     Lesdits objets sont présentement tenus à titre de ferme par les sieurs, Pech, Alexis Trilha, Ité, sous différentes conditions énoncées dans le bail à ferme dont l’une des conditions est que ladite dame s’est obligée de payer aux fermiers, à titre d’indemnité, 3000 livres au fermier, au cas où elle trouverait à propos de résilier et annuler le dit bail, avant l’expiration de celui-ci. En conséquence ladite dame invite le sieur Arnaud à continuer ledit bail à ferme pour le temps qui reste à couvrir si mieux il n’aime le résilier en payant au dit fermiers, 3000 livres.

     Ladite vente est faite à Toulouse, le 15 may 1179. »

 

 

JEAN-BAPTISTE D’ARNAUD
(1768-1839)

 

         Joseph-Hugues d’Arnaud était décédé, lorsque survint la Révolution française de 1789. Il laissé un fils appelé Jean-Baptiste qui lui succéda. Né à Perpignan, le 20 août 1768, il était mineur lorsque son père mourut, c’est donc sa mère qui régissait la seigneurie de La Tour de France, au début de la révolution.

         Le 28 mars 1790, les droits féodaux ayant été abolis, Trilha, maire de La Tour de France demanda au directoire de Perpignan pourquoi Mme Veuve Arnaud continuait d’affermer la boucherie, le mesurage du vin et de l’huile, et pourquoi elle retirait encore de la communauté 120 livres annuelles pour le montant des corvées. Le Président Vilon lui répondit qu’il fallait obliger la veuve d’Arnaud à produire ses titres en s’abstenant toutefois de toutes voies de fait contre la possession actuelle de la dame de La Tour de France. Le procureur Tastu, de Perpignan adressa une sommation à Mme d’Arnaud, et à son fils pour produire les titres. Ceux-ci protestèrent contre le délai de trois jours à eux fixé. Ils répondirent que leurs titres étaient entre les mains de M. Meillon, fediste à Espéraza, lequel était occupé fouiller dans les documents. Une nouvelle sommation émana du directoire de Perpignan, et la Révolution supprima tous les droits féodaux.

     Jean-Baptiste-Bernard-Antoine d’Arnaud devint maire de Perpignan en 1809 et conseiller de préfecture en 1813.

    Il était Président du corps électoral des Pyrénées-Orientales quand il fut élu député par le collège de ce département, le 22 août 1815, avec 106 voix sur 118 votants. Son rôle fut des plus modeste à la chambre introuvable, où il siégea parmi les plus modéré et son mandat cessa avec elle.

    Le 20 juillet 1817, Jean-Baptiste d’Arnaud, vendit la majeure partie du château féodal de La Tour de France à Pierre Seilles, tisserand. L’acte de vente mentionne deux grands salons et tout ce qui s’élève par-dessus, une terrasse et la plus grande partie de la cour, dans laquelle existe une citerne. Décédé sans enfants, Pierre Seilles laissa cet immeuble à son neveu Cazenove, grand-père de Mme Sol. Quelque temps, la seconde moitié du château, appelé « la Tina » fut vendue à Etienne Marty, lequel la revendit ensuite à François Izard.

    Jean-Baptiste d’Arnaud fut mis à la retraite comme conseiller de préfecture le 19 septembre 1838, quatre mois avant sa mort, survenue à Perpignan, le 26 janvier 1839.

     De son mariage avec Joséphine de Règnes, il n’eut que deux filles : Joséphine et Jenny.

      Joséphine d’Arnaud, épousa en premières noces, M. d’Uston décédé en 1843, et en deuxièmes noces, Mr Eugène Jouy d'Arnaud, né le 23 janvier 1807 à Carcassonne. Il meurt le 29 juillet 1894 dans cette même ville. Propriétaire, il est maire de Carcassonne, et député de l'Aude de 1849 à 1851. Siégeant à droite avec les monarchistes, il fût également, maire de Perpignan de 1855 à 1862

     Sans enfants, Joséphine d'Arnaud, testa en faveur de ses neveux Desprès, dont sa sœur Jenny avait épousé un membre de cette famille, le baron Charles Desprès. Cette dernière laissa à son mari la jouissance de sa fortune et des terres de La Tour de France.

     Au décès d’Eugène Jouy d’Arnaud survenu, le 29 juillet 1894 à Carcassonne, un partage intervint entre les héritiers Desprès, le 9 novembre 1895, chez Me Bertran, notaire à Perpignan, le domaine de La Tour de France fut attribué à Melle Blanche de la Croix, fille de Mr Clément de la Croix-Barréran Directeur des journaux officiels à Paris et d’Eugenie Desprès, légataire décédé.

     Celle-ci, alors mineure fut autorisée à vendre le domaine de Latour de France, et par adjudication publique réalisée le 5 avril 1897, par Boher, notaire à La Tour de France, les terres et moulins passèrent en possessions de Messieurs Cazenove, Toreilles, Pech, Sivieude et Salvat, propriétaires locaux.

     Ainsi fût morcelé et liquidé aux plus offrants, ce qui restait de la féodale seigneurie de Latour de France.

 

 

 

 

 

20 octobre 2021

De TRINIACH à LATOUR de FRANCE.

 

     Extrait de l’étude publié le 03 mai 1953 par l’Abbé Henri Maudet et de celle de l’Abbé Jean Capeille publié en 1928-1929 dans le bulletin, paroissial, (à ce jour ces études sont devenues quasiment introuvable), c’est pour pallier les difficultés rencontrées pour accéder aux quelques ouvrages relatant l’histoire de nos contrées et de nos bourgs, qu’il m’est venu l’idée de la réécriture de ces deux études traitant l’histoire de LATOUR DE FRANCE, mon village d’adoption.

     Ma seule ambition est de permettre à tous, résidents ou non de notre ancienne ville-frontière, de pouvoir se plonger dans son histoire,  de découvrir ses rues, ses places et ses ruelles, le pourquoi de leur nom, et les raisons de l’architecture si particulière de son centre historique, communément appelé par les Tourils (ses habitants) le vieux Latour.

 

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Aux portes de France, au seuil de Val d’Agly

 

     En pays de Fenouillèdes, LATOUR de FRANCE doit son nom, et son originale physionomie, à la tour qui couronne la ville et domine la contrée : la ligne précise et sévère que le vieux clocher dresse au-dessus de la Cité lui fournit le trait principal d’une silhouette très caractérisée.

     Vers l’an 900, une humble bourgade groupait là ses quelques maisons autour d’une petite chapelle dédiée à Notre-Dame des Anges. Ce village s’appelait alors TRINIACH. Si modeste qu’il fût, sa situation était digne d’intérêts : sa seule position lui conférait en effet une importance majeure : c’était, dirons-nous aujourd’hui, un point stratégique remarquable. Bati à proximité de la frontière des marches d’Espagne, il s’élevait au-dessus d’une éminence naturelle, un oppidum, et pouvait ainsi assurer la surveillance d’un large secteur ; dominant le cours de l’Agly, il était à même de contrôler le passage de la vallée.

     C’est la raison pour laquelle ce village fut doté d’une puissante tour : La Tour de Triniach, qui prit une telle importance qu’elle donna son nom à la ville. Solide bâtisse, cette tour constituait un ouvrage de protection : sa hauteur permettait de voir au loin et dans toutes les directions, et l’efficacité de sa surveillance sur les abords immédiats fut assurée par une courtine, qui partant de la tour, atteint sur quatre arches de viaduc, le sommet de la falaise dont les « à pic » surplombe l’Agly.

     Depuis les origines, cette TOUR reste le monument-témoin de l’histoire de la Cité. De son sommet et des points hauts qui ceinturent le village, une vue admirable sur les chaînons des Corbières vous attend. Rien ne peut rendre la richesse des tons, l’élégante, et forte beauté de ces basses montagnes, et de cette contrée, vues à cette heure de la journée où le soleil descend à l’horizon. Alors, les murailles de calcaire, qui tout à l’heure flambaient au soleil s’assombrissent et les crêtes dorées se revêtent de rose.

     Le château est encore debout, mais il n’a plus son attitude militaire du moyen-âge, il a changé d’aspect, tout comme la tour et le pays qui l’environne. Les siècles ont passé, patinant ses vieilles pierres, et laissant dans ses flancs la blessure des lézardes ; inlassablement, jour après jour, son ombre s’est projetée sur la ville et sur les hommes ; sous son regard, les générations se sont succédé, nouées et dénouées, tronçon par tronçon et les eaux du fleuve, à ses pieds, se sont écoulées comme s’écoule la vie qui ne revient jamais en arrière.

     Comme une grande Dame qui a subi « des ans l’irréparable outrage » et dont les jours de gloire ne reviendront plus, son rôle héroïque terminée, parce qu’il était lié à la condition des choses humaines dont le destin est de finir, mais l’ambition de cette grande Dame au grand cœur, est de servir jusqu’au bout pour finir sans reproche, et dont le « beau-soucis » est de garder suffisamment de grâce pour maintenir à la Cité cette noblesse de visage, qu’elle marque et révèle d’un trait principal. Élément caractéristique de la ville, la tour est également inséparable de l’église, et les diverses églises qu’a connu le village, furent bâties de part et d’autre de la tour, qui pour elle joua le rôle de clocher.

La tour-clocher et l'église
La tour-clocher avant restauration

 

     Or ce rôle ne fut jamais supprimé, et la tour y a gagné de n’être pas seulement le vestige inanimé d’un passé révolu, mais de rester en service dans une fonction permanente.

     Pour certains, en effet, elle n’a qu’une valeur de souvenir. Elle rappelle le temps où elle fut au service du château, mais le château déchu, son rôle de surveillance s’arrêta là. Mission terminée ! 

« Elle était de ce monde où les plus belles choses ont le pire destin ». 

     Pour d’autres, celle qui assure la survivance, garde une valeur d’actualité, elle fut et reste au service de l’église paroissiale. Et cette église se maintenant, son rôle de clocher continue. Ses voix de bronze, dans la ronde des heures, renouvellent sans cesse l’appel et le message.

     Aujourd’hui, faisant suite à d'importants travaux de restauration entreprit et menés à bien durant la mandature de Monsieur Jean-José COLOMES maire de Latour de France de 2008 à 2014, notre tour-clocher a retrouvé toute sa superbe et son lustre d’antan.

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La tour-clocher après restauration 

 

-  LE VILLAGE -

 

     Il est des lieux pleins de souvenirs, et dont l’histoire fait à peine mention ; elle passe à côté en observant un respectueux silence, comme devant des choses que l’on vénère… ou, parfois que l’on ignore. LATOUR DE FRANCE est un de ces lieux, à la fois historiques et méconnus… et si l’historien s’est penché sur la vie de ceux qui en furent les maîtres, personne ne tenta de saisir, à travers les lieux mêmes, le mystérieux langage des choses.

     Or, dans une certaine limite, une étude des choses qui permet de mieux comprendre, et peut-être aussi d’aimer « mieux », est toujours possible. Une étude objective, et basée, au départ, sur des choses concrètes, pas seulement sur des papiers d’archives, ni sur des énumérations de généalogies, mais des ruines et des pierres, des maisons et des rues, de la carte du pays et du plan de la ville, de la dénomination des « lieux-dits » et des anciennes appellations locales encore en usage. Une étude qui rejoindra l’histoire des hommes, qui nous invitera à remonter les décors du théâtre et nous conduira à préciser le cadre dans lequel ont vécu ces hommes dont parle l’histoire.

     L’histoire, n’est point sans faiblesses, et, même impartiale garde ses fragilités : elle nous conte ce qui se passa sur le « plateau », mais souvent nous laisse ignorer ce qui se manœuvra ou se trama dans les « coulisses ». Les « énigmes » de l’histoire laisse bien souvent place à échafauder des hypothèses et à l’imagination pour combler les lacunes. C’est précisément sur ce point, qu’une étude objective apporte son concours. Avec elle, l’imagination ne tourne pas à vide, mais « accroche » et peut prendre appui sur des données réelles et des marques concrètes. Alors, il n’est point chose négligeable que de relever, de ci de là, la trace du passage des générations, car si l’histoire des hommes rend souvent compte de l’état des lieux, en retour l’aspect des choses vient illustrer l’histoire des hommes… à la façon du cadre qui souligne la valeur du tableau.

     N’est-ce point la disposition des lieux et leur situation particulière qui a poussé les hommes à munir leurs villes de fortifications pour les temps de guerre, et leur a dicté, en temps de paix, des améliorations pour de meilleures conditions de vie ? Or dans la ville de Latour de France, les choses ont gardé de nettes empreintes dont la confrontation avec des documents écrits permet de découvrir la raison d’être de certains ouvrages, de fixer leur époque de construction, et même de suivre leur évolution. Néanmoins on ne peut prétendre à une grande précision qu’à partir du moment où Latour de France, dégagé de la dépendance du Comté de Fenouillèdes, jouit d’une vie propre et devint Seigneurie autonome.

 

En voici deux exemples :

  

 1° - Ouvrage d’utilité publique : 

     Nous pouvons suivre, étape par étape, l’évolution de cet ouvrage remarquable du Canal de la Balme que l’on vient de cimenter en 1953… et qui fonctionne depuis 600 ans.

     Créé en 1330 par Bernard-Guillaume du Vivier qui « ouvrit la montagne » pour faire passer les eaux de l’Agly, il fut aménagé en 1443 par Guillaume de Belcastel. Il faisait tourner les moulins banaux et irriguait les terrains du « Pla de las feixas », comme le mentionne un manuscrit en latin conservé dans les archives municipales. En 1694, François-Claude de Montesquieu en fait refaire les murs de soutènements « depuis l’Écluse jusqu’au Moulin » et le maître-maçon Jean Serres (qui vient de rebâtir l’église) remet en bon état et élargit le pont par lequel le canal enjambe le « ruisseau du Torrent ».

Le pont_sur le Torrent_chemin de Montner-26237-8_w400
Pont aqueduc sur le Torrent

 

     En 1720, est effectué le percement de la galerie de 300m creusée dans « le rocher de Latour » qui passe sous le « Serradet » et la rue « du Marché » pour atteindre la région du « Torrent ».

Tunnel du canal de la Balme_sous le Serradet et la place du Marché
Sortie de la galerie du canal de la balme.

 

 2° - Ouvrage d’utilité militaire.

     Les remparts de Latour, le château, et les fortifications, sont choses très anciennes… mais seulement dans leurs infrastructures. Tels qu’ils nous apparaissent aujourd’hui, ils ne remontent pas au plus haut que le XVe siècle. C’est en effet en 1462, sous Guillaume de Belcastel, que subissant le contre-coup de la Révolution Catalane, Latour est totalement détruite et son château démantelé. En 1480, quand Jean de Voysins devient Seigneur de La Tour, le château est reconstruit, ainsi que celui de Planèzes qui appartient à la même Seigneurie ; et lorsque, en 1492, le Roussillon est rendu à l’Aragon, La Tour de France redevient ville-frontière… et Jean de Voysins la fortifie en conséquence.

     Ces deux exemples, suffisent pour faire comprendre notre propos : tenter une « explication » du village, et de ses abords, en partant de leur état présent.

     En une telle matière, une enquête totale est difficilement envisageable, voire quasiment impossible, et il serait naïf de prétendre à une explication décisive. Ce travail se situe dans des limites plus sages : son humble mérite, et sa fragile ambition, est d’essayer de satisfaire et d’apporter une réponse aux sentiments de ceux qui pensent qu’il y a par ci par là dans la cité qu’ils aiment, des traces des choses disparues aujourd’hui, mais qui ont eu pour raison d’être à un moment donné… et des souvenirs vénérables que la mémoire des hommes a depuis longtemps oubliés, mais que les vieilles pierres gardent au creux de leur silence.

 

CHAPITRE II – LA VILLE (la vieille cité) 

 

     Quand, au cours d’une rencontre, un inconnu, se dresse, immobile et muet devant nous, notre œil dans une appréhension légitime perçoit les traits de son visage, l’attitude de son corps, sa tenue et toute son apparence… et même avant de l’aborder, pour lui demander : dites-moi, quel est votre nom ? nous l’avons déjà jugé sur cette première et rapide impression.

     Or nous voici en présence de deux villes (qui n’en font qu’une) et qui selon par où on l’aborde nous présente deux visages. L’une « le nouveau Latour » qui rassemble dans la plaine, habitations et constructions récentes, et l’autre, accroché à la colline, le vieux Latour, « la vieille cité » qui rassemble ses maisons dans son enceinte ; qui n’égare point ses habitants dans des fermes ou des demeures éloignées, mais qui les tient jalousement à l’abri de ses murailles.

     Visage, situation, positions : sont les trois éléments nous expliquant « la VILLE », mais seul, son nom la définit.

 

Article 1°-- SON VISAGE. 

 

     Pour celui qui vient de France (de Saint Paul de Fenouillet, Lansac, Rasiguères, de Planèzes ou de Caramany) par la vallée de l’Agly (n’oublions pas qu’en 1482 lorsque le Roussillon fut rendu à l’Aragon, Estagel, Montner, Tautavel était repassé dans le royaume d’Espagne), la ville de Latour se présente comme une puissante masse qui arrête la vue et barre le chemin, et le premier coup d’œil, y reconnait une silhouette indiscutablement guerrière.

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Latour-de-France et le pont sur l’Agly vue de la fontaine du pont route de Rasiguères

 

     Cette ville bâtie pour la guerre, poste de garde et nœud de communication à deux pas de l’ancienne frontière, n’a rien perdu des caractères essentiels de son apparence d’autrefois : sa tour, son château, son église, ses remparts, ses bastions, dessinent sous nos yeux les traits principaux de sa physionomie d’antan. C’est une silhouette de ville de guerre qui se détache sur la crête de la colline, une silhouette qui ressemble étrangement au profil d’un navire de combat, car les nécessités de la guerre restent les mêmes et imposent les mêmes éléments de vision, de commandement, et de défense.

     Les places de la « Seillière » au sud, et de « Bellevue », au nord, sont comme les plages des gaillards d’arrière, et d’avant, la tour de l’église, comme la dunette de surveillance, le château, comme la passerelle de commandement, et le parapet court tout au long des remparts, comme la rambarde du navire. Ce n’est là qu’une comparaison, qui permet de souligner dans une image saisissante la raison d’être et le rôle de cette cité, et l’intention manifeste de ceux qui la bâtirent.

    Latour de France fut bâtie là, sur telle position, dans une situation déterminée, pour jouer un rôle précis, avec mission de surveillance et de contrôle, à un demi-lieue de la frontière, et si ses vieux murs, son château en vétusté et ses maçonneries patinées, n’ont plus aujourd’hui la noblesse des temps héroïques, ils en ont gardé la fierté et l’allure.

 

Article 2° -- SA SITUATION.

 

     Tout fleuve, toute rivière, dans les temps où les routes étaient inexistantes, constituait un cheminement naturel, il suffisait de remonter le cours de l’eau pour trouver un passage à travers les montagnes.

     En ces lieux, la remontée de l’Agly permet d’atteindre au cœur du pays de Fenouillèdes, puisqu’elle conduit depuis sa frontière (La Tour de France), jusqu'à sa capitale (Saint-Paul-de-Fenouillet). Et pour venir de Saint-Paul à La Tour, la route ne fait que suivre le chemin naturel que dessine le cours du « fleuve Royal ». Or les eaux de l’Agly se sont frayé un chemin au creux de deux montagnes : de Lansac au Nord, et Cassagnes au Sud, et la frontière toute proche impose des mesures de prudence. En effet, la route est gardée, et aux approches de Latour de France nous pouvons distinguer un double dispositif :

  • Sur la RIVE GAUCHE :

a)   Sur les hauteurs, une zone de surveillance dont le pivot est la tour de LANSAC. 

Fichier:Tour de Lansac.jpg — Wikipédia
La tour de LANSAC

Aucun cheminement ne lui échappe,  depuis la « Serre de Vergés » (583m), jusqu'à l’affaissement des « Bordes » (260m), et depuis l’Albèze (750m) jusqu'à la Tourèze (417m). De plus, elle est en liaison optique avec le château de Cuxous à l’Est, et avec le château de Quéribus au Nord.

Le Hameau et le château de Cuxous depuis Latour-de-France - Mes belles  randonnées expliquées
Château de CUXOUS

b)   Dans la vallée, une ligne de protection constituée par deux châteaux et par deux tours, dont la disposition apparait intentionnelle. Prenons la route de Caramany : elle change de direction et se dirige vers le Nord, en suivant les méandres de l’Agly qui coule en contrebas, à sa droite. Elle se développe à flanc de montagne. Après quelques kilomètres, le ravin du BOUCHA s’ouvre sur la gauche : et la tour de MONTFORT se dresse là. Plus loin, en arrière de Rasiguères et toujours à gauche, la tour de TREMOINE bloque les ravins du même nom ;


La tour de TREMOINE. 

     Mais à Rasiguères la route perd de sa hauteur, et descend à raz des eaux de l’Agly, qu’elle passe à gué, et continu de l’autre côté. Ce passage « à gué » est surveillé par le château de Rasiguères. La route chemine en montée régulière vers le SERRADET de Latour, en passant par la chapelle de Sainte-Eulalie, aujourd’hui disparue, cette chapelle était propriété des Seigneurs de La Tour de France. Un document daté de 1516 la signale sur la route qui va de La Tour de France à Planèzes. Planèzes qui à cette époque était également propriété de ces mêmes Seigneurs.

     Nous avons abandonné la rive gauche au gué de Rasiguères. En voici la raison. À partir de ce point, le fleuve royal s’engage dans un défilé jusqu’à proximité de Latour de France ; mais sur ce même point, les Seigneurs de Latour, ont bâti un château, dressé sur une élévation en bordure d’un important « planeau » : le château de Planèzes. C’est sur ce « planeau » que viennent se rejoindre deux chemins qui sont partis du pont de Latour, l’un a suivi la rive par la « Roque d’en Galinier » et la « Balmière » et l’autre a contourné le « Montredon », par la « Pujade » et le « coll del Lloup ».

     Pourquoi ces deux chemins ? C’est évidemment celui qui longe la rive qui semble le plus rapide et le plus facile ; l’autre fait un détour et gravit la montagne. Mais ce chemin de la vallée qu’emprunte aujourd’hui la route moderne, n’est pas sans danger et nos anciens furent bien souvent témoins, et parfois les victimes, de graves éboulements, comme ce fût le cas en 1940. Ce n’est pas pour rien que cette montagne porte en ce lieu, le nom de : Balmière, qui veut dire : trouée, comportant de nombreux trous. 

     Ce chemin en corniche n’étant pas très sûr, et d’ailleurs, souvent coupé dans le même temps que le gué de Rasiguères devenait impraticable, par suite de pluies prolongées ou d’inondations, il restait alors l’autre chemin, bien plus sécurisé, le chemin de la montagne.

     En effet, à son départ de Latour, il passe l’Agly sur le pont, puis tourne vers le « BOUSQUET », s’engage vers la « PUJADE de MONTREDON », passe le « COLL DEL LLOUP, et redescend sur le « planeau » de PLANÈZES.

Chemin de la montagne copie

 

  • Sur la RIVE DROITE :

      Il y a là aussi un dispositif de protection de la « route de France » qui se développe dans la vallée. Mais de ce côté-là, nous touchons à la frontière du Roussillon dont la ligne passe au sommet de la montagne : de n’importe quel point de cette ligne peut surgir une menace. La défense doit donc se baser sur des points d’appui susceptibles de rester en communication rapide et assurée.

     Une route militaire est créée à cet effet, qui partant de Latour suit exactement la frontière à l’abri des crêtes. 

  • Sont tracé. 
  1. Au départ du SERRADET de Latour, et jusqu'à CUXOUS est totalement camouflée par le Torrent qu’elle suit dans ses moindres sinuosités ;
  2. Le château de CUXOUS la protège exactement sur le seul passage à découvert, qui soit visible depuis Força-Réal.
  3. Elle se développe à l’abri, des crêtes, passe à CASSAGNES et atteint BELLESTA-de-la-frontière.
  4. Par la suite, elle passe sous la protection du Château de MONTALBA.En dehors de ce secteur de Latour, Latour de France et Montalba faisant charnière, cette même route file sur Trévillach et Sournia, en suivant la frontière du Conflent, laquelle passe par la Roque de Jalère (1104m), et le Rocher du Roussillon (1314m), et atteint le Pays de Sault.
  • Ses liaisons. 
  1. En communication avec la route de la vallée par le chemin de liaison qui monte de l’Agly, depuis le gué de Rasiguères, vers Cassagnes par le ravin des « Teychounères » ce ravin qui est dans l’axe de la Tour de Trémoine de l’autre côté de la vallée ;
  2. Elle reste également avec l’Agly par le chemin qui monte de la vallée vers Bellesta par le relai de Caramany établi en un passage escarpé : le passage du « Grand—Roc » (Kermagnum).
  3. En dehors de ce secteur de Latour de France, le chemin qui monte d’Ansignan vers Sournia par la vallée de la Désix joue le même rôle de liaison.

        Ainsi la situation géographique est magnifiquement exploitée par une disposition de surveillance et de liaison, dans une région frontalière particulièrement exposée aux surprises des temps de guerre.

        LATOUR de FRANCE, fait la jonction des deux artères maitresses de ce dispositif que sont : la route militaire et la route naturelle dont le point de contact est le SERRADET.

 

Article 3° -- SA POSITION 

 

     Le village est « posé » sur une butte escarpée, et le fleuve Agly, tourne autour de cette butte dans un resserrement de la vallée après quoi il s’allonge et se répand plus aisément dans la plaine vers Estagel. 

     Au loin, à gauche, c’est la Tour de Tautavel qui domine, et à droite c’est Força-Réal au-dessus de Montner. 

  Tour del Far — Wikipédia
La tour de Tautavel (Torre del Far)


 Força Réal | Espaces naturels 66
Força-Réal

      TAUTAVEL, ESTAGEL, MONTNER sont des villages, situés au-delà de la frontière, ce sont des voisins, certes, mais qui selon les circonstances, peuvent se révéler ennemis. Il faut donc se tenir tout particulièrement sur ses gardes de ce côté-là, surtout en temps de guerre. Et si l’on suit sur une carte, le ruban des routes qui viennent de ces contrées vers le Fenouillèdes et vers la France, on constate qu’elles arrivent toutes à se joindre sous les murailles de LATOUR.

     Latour de France apparait ainsi d’où que l’on vient, comme une porte d’entrée, une porte gardée, et qui peut être, au besoin verrouillée. Dans ce secteur, c’est la seule porte praticable, en un temps où, en dehors des chemins naturels, il n’y avait que des sentiers capricieux à travers des montagnes désertes. Il existe vraisemblablement d’autres cheminements qui peuvent conduire à Saint-Paul, mais sur eux veillent aussi d’autres tours, et d’autres forteresses comme celle de Quéribus qui plonge dans la vallée de Maury et qui est en liaison optique avec Lansac qui tient la montagne.

Château de Quéribus : forteresse perchée au coeur du pays cathare
Chäteau de QUÉRIBUS 

 

 

LATOUR, au centre d'un noeud de communications.

 

Un simple croquis permettra de constater la position dominante de Latour au centre de ce noeud de communication

 

     On remarquera, que le SERRADET (redoute extérieure), commande les routes « de France ». Mais on notera également que pour arriver à Latour, les routes « étrangères » passent nécessairement par un pont. Nous verrons plus tard le rôle du SERRAT D’EN FRANC  et des deux ponts qui enjambent le torrent, de part et d’autre du Serrat.

  • La route .I. (La route de Rasiguères). 

     Est la route « naturelle » qui vient de France par la vallée de l’Agly, elle passe le gué à Rasiguères et, par Sainte-Eulalie, s’élève en pente douce au long de la montagne et aboutit au Serradet, la redoute extérieure de Latour. (Une redoute, est un fort ou un système de fortification consistant généralement en un emplacement fortifié défensif à l’extérieur d’un fort plus grand. Elle sert à abriter les soldats.)

  • La route .II. (La route de Cassagnes).

     Est la route « militaire » qui part du Serradet ou elle prend contact avec la route « naturelle », et ensuite monte vers Cuxous et Cassagnes sans autre préoccupation que le camouflage parfait du Torrent.

  •  La route .III. (La route de Tautavel).

     Est la route « étrangère » qui vient de Tautavel sur la rive gauche de l’Agly : elle est tenue en respect dès son arrivée par le bastion Nord de la ville et ses remparts, et ne peut y accéder qu’en franchissant le pont, et doit obligatoirement passer par : le CROS (le creux) sévère passage entre le bastion Sud et la redoute du Serradet. Qu’on veuille bien remarquer, la disposition étrange des remparts de Latour qui font face à l’Ouest : on a l’impression que tout l’effort de défense de la ville porte du côté opposé à la direction de l’ennemi (l’Espagne). Cette anomalie n’est qu’apparente. Le « but » de l’ennemi est de pénétrer en Fenouillèdes, et pour y parvenir le seul moyen praticable c’est la vallée. Or c’est la route III qui y conduit directement. Et, arrivée par cette route jusqu’au pont de Latour, l’ennemi se trouve bloqué dans une cuvette entre la Tourèze et le Montredon d’une part et d’autre part par les murailles de la ville. Et s’il s’engage dans l’un des deux chemins qui continuent vers Rasiguères, soit par la vallée (rive droite), soit par la montagne (coll del Lloup), il tombera nécessairement sur le château de Planèzes.

  • La route .IV. (La route d’Estagel).

Est celle qui vient par la rive droite de l’Agly ; elle ne peut atteindre la ville qu’en franchissant le pont du Torrent, lequel pont est surveillé par le Serrat d’en Franc dont nous verrons le rôle plus tard.

  • La route .V. (La route de Montner).

     Est celle qui vient de Montner par les collines, elle aussi ne peut atteindre la ville quand franchissant le pont de la Fontaine, également sous la surveillance du Serrat. De plus aucune de ces routes ne pénètrent vraiment en ville, elles ne peuvent aller plus loin que les faubourgs.

     Voilà donc pour l’extérieur de la ville, mais l’étude de sa disposition intérieure nous réserve d’autres surprises, et ce sera l’objet d’un prochain chapitre.

 

Article 4° -- SON NOM

 

         Nous ne sommes pas encore entrés dans cette ville, et nous n’en connaissons à cet instant, seulement les apparences, et cependant, déjà, l’aspect de sa silhouette, l’examen de sa situation géographique, la constatation de sa position privilégiaire, nous en ont fourni comme une explication. Et voici maintenant son nom, qui va nous révéler, d’un coup, toute sa personnalité.

 

  • SON NOM.

     Le village de Latour de France, s’est tout d’abord appelé d’un nom aujourd’hui oublié : Triniach,

         -      C’était au X° siècle : Triniach

         -      Puis au XI° siècle, ce fut : Tour de Triniach ;

         -      Par la suite : Tour de Fenouillèdes, quand il dépendait de la vicomté de Fenouillet. Et enfin en 1271 : Tour de France, lorsque le Languedoc fut réuni à la couronne de France.

     Manifestement c’est la construction de la TOUR (du clocher actuel), qui a marqué le déclin de l’appellation ancienne de Triniach, laquelle a fini par être supplantée par le nom même de cette TOUR. Mais que veut dire ce vieux nom de TRINIACH ? L’origine en reste obscure ; et jusqu’à plus ample information, il n’est pas interdit d’y voir la contraction des deux vieux mots de :

     - TRINI : qui sont « par trois », ou qui vont « trois ensemble » et de 

     - AGA : ancien impératif de « agarer » qui veut dire : regarde ?

     Ne dit-on pas Agaïta, en langue d’Oc pour dire regarde ? Et dans le français, n’y a-t ’il pas des mots et des expressions de même sens et de même racine dans : aguicher, attirer le regard, aguets : se tenir aux aguets, guet : faire le guet, guetteur : l’homme qui fait le guet, échauguette : le lieu où l’on guette, guerite. 

        Dans cette hypothèse, le village aurait très bien pu recevoir cette dénomination de Triniach, en raison de sa position sur une hauteur qui a vue, triple vue, triple regard, dans des directions bien définies :

        -      Au sud, sur le vallon de Cassagnes : Le Torrent ;

        -      À l’est, sur l’aval de l’Agly, vers Estagel et la plaine ;

        -      À l’ouest, sur l’amont de l’Agly, vers Rasiguères et le défilé.

     Cette interprétation du sens de Triniach est d’autant plus vraisemblable que nous la retrouverons plus tard traduite en langage hiératique, sur le blason de la ville de Latour, qui a succédé au village de Triniach.

 

  • SES ARMES (son blason).

     Les armes de Latour présentent une tour d’argent sur fond bleu et au-dessus trois tourteaux d’or sur fond rouge, c’est la traduction des termes héraldiques : D’Azur à la tour d’argent, surmonté en chef de gueules à trois besants d’or.

 

 Blason de Latour-de-France La Tor de França
Blason de Latour-de-France

 

     Nous nous permettrons de souligner que ces armes rappellent le nom de TRINIACH, à la fois comme cité rurale de la Province du Languedoc, et comme cité militaire à la frontière de France.

 

I.-- Cité rurale du Languedoc :

- les tourteaux -

 

  1. Sont posés sur fond rouge, et le rouge est la couleur de la Province de Languedoc ;
  2. Sont au nombre de trois, et le vieux nom de TRINIACH n’est pas oublié ;
  3. Sont le symbole de la vie agricole et industrielle du pays, pays de graines et d’olives.

  

II.-- Cité militaire frontalière de la France :

- La tour -

 

     1°) Est posée sur fond bleu, et le bleu est la couleur du blason de France. Sur bleu de France s’inscrit une tour, et la tour est placée « en avant » pour protéger le pays qui s’étend au-delà.

     2°) Est crénelée à trois dents, car elle contrôle trois routes qui viennent du pays opposé :

        a)   La route de Tautavel sur la rive gauche de l’Agly,

        b)   La route d’Estagel sur la rive droite de l’Agly,

        c)    La route de Montner sur les coteaux.

        3°) Comporte trois ouvertures, trois fenêtres, car elle à triple vue, triple « regards » (Triniach) vers le pays opposé.

        a)   Sur le débouché de la vallée à l’est,

        b)   Sur la plaine au sud-est,

        c)    Sur les montagnes du sud.

        Et cette tour n’a pas de porte au ras du sol. Nous avons noté en son lieu, que la tour du Clocher a son entrée au premier étage. Plus loin nous dirons pourquoi. Cette tour à la frontière de France, a une mission permanente de surveillance, et une mission éventuelle de défense.

 

LA TOUR DE FRANCE fut donc : 

     Une VILLE, vivant du territoire qui l’entoure et de quelques industries issues de l’exploitation des ressources essentiellement agricoles du pays.

 

  • FORTIFIÉE – dans un but de défense, car elle est :

     a)   Situé dans une région frontalière, et donc à la merci des incursions étrangères : en conséquence elle doit veiller à sa protection.

     b)   Placé au débouché d’un cours d’eau, acheminement naturel à travers la montagne, elle doit en surveiller l’accès.

     c)    Bâti sur un éperon rocheux qui rétrécit la vallée au point où s’y engage la route, elle ne peut être mieux située pour en contrôler le passage.

     C’est cette idée de défense, ce triple souci de protection, de surveillance et de contrôle, qui ont présidé au plan de reconstruction après sa destruction totale en 1462.

 

SON AMENAGEMENT :

 

     Sans doute, il n’y parait pas au premier abord : ses rues, et ses ruelles donnant parfois l’impression d’un enchevêtrement désordonné, les maisons semblent s’entasser les unes sur les autres au petit bonheur de la déclivité du terrain, les ruelles étroites et montantes, jamais rectilignes, ne se prolongent jamais l’une l’autre, et jamais ne se croisent correctement.

     Cependant une simple vue du plan, même actuel, fait distinguer dans cet apparent désordre les trois régions classiques des villes moyenâgeuses, les trois groupements distincts mais nettement articulés entre eux, que sont:

  • Le CHÂTEAU

     Se situe dans la partie la plus élevée, et englobe dans ses dépendances une région suffisamment importante pour qu’il lui soit possible d’y abriter la population du bourg, en cas de dange.

  • Le BOURG 

     Disperse ses maisons, adroitement, comme nous verrons, sur les pentes de la collines rocheuse, séparée du château, cette région communique cependant avec la précédente par des passages étroits, de vrais « goulets », faciles à barricader.

  • Le FAUBOURG : 

     Marque, au bas et sur les bords de la déclivité, la transition entre le bourg et la campagne ; c’est la région des bâtisses rurales, maisons, granges, greniers, au départ des chemins d’exploitations.

Nous allons successivement examiner ces trois régions dans les sections qui suivent.

 

SECTION – A - 

RÉGION MILITAIRE - Le Château.

 

     Ce plan partiel de la ville donne la disposition de la région militaire, organisée pour la défense. 

 

 

     Cette région occupe à l’ouest de la ville un emplacement pisciforme, dont la largeur, prise en son milieu, équivaut à peu près au tiers de sa longueur. La moitié Nord est disposée sur la hauteur, et la moitié Sud décline progressivement. Elle s’étend depuis la limite extérieure du quartier du « Chapitre », jusqu’à la limite intérieure du quartier du « Moulin » dont elle est séparée par le passage du « Cros ».

  • LE CROS.

     Il convient de considérer qu’à l’époque où fut rebâtie le village, après sa destruction au XV° siècle, la route de la vallée (celle qui vient de Tautavel) passant sur le pont de L’Agly, longeait comme aujourd’hui les remparts en obliquant sur sa droite, mais ensuite elle ne tournait pas derrière le quartier du Moulin : elle piquait directement sur un affaissement naturel dans la ligne de crête, dénommé, pour cette raison le « creux », le CROS, et débouchait sur l’actuelle place Rosette Blanc.

  • LE SERRADET.

     Ce passage du Cros était sérieusement gardé, car le quartier actuel du Moulin, qui par sa position même le coince contre les murs de la ville, était doté de constructions jouant le rôle de redoute extérieure, il suffit de l’examiner depuis les jardins du Pont pour se rendre compte de son allure menaçante. Ses pentes vers l’Agly étaient boisées, et les « rameaux » du RAMIER, étaient un précieux et classique camouflage. Ce quartier a gardé un nom populaire très significatif : on l’appelle LE SERRADET, le « petit Serrat », par opposition à ce grand SERRAT dénommé : le « Serrat-d’en-franc ».  

     Nous verrons que le Serrat-d’en-franc est un élément important dans le plan de protection militaire de la ville. D’autre part que l’on veuille bien noter, nous l’avons dit plus haut, que le Serradet constituait le point de protection de la route de Rasiguères (par Ste Eulalie) et de la route militaire qui monte vers Cassagnes.

    

DISPOSITIF DE DEFENSE

de la Région militaire.

  

  • Ce dispositif comporte les éléments suivants :
  1. Le Commandement : Le château nœud du dispositif.
  2. La Surveillance : La Tour du clocher, la Courtine.
  3. La Protection, qui comprend : Au centre : une triple ceinture des rues autour du château, et aux extrémités : des dispositifs de sécurité pour la bataille des rues
  4. Les communications intérieures.
  5. La défense de la périphérie, à l’Ouest, à l’Est, au Nord, au Sud.

 

Article 1.- LE COMMANDEMENT.

 

  • LE CHÂTEAU :

     Est construit sur le plateau au-dessus duquel se développe la ville. Il offre l’apparence d’une masse imposante et fermée. Ce fut évidemment la demeure résidentielle des seigneurs de Latour, ou, en leur absence, celle de leur gouverneur. De fait, ce fut l’immeuble administratif par destination : en temps de paix y siégeaient juges et baillis et autres fonctionnaires ; en temps de guerre, les officiers y installaient leur quartier général. Il se compose de deux grands corps de bâtiments qui encadrent une cour centrale dans laquelle on remarque une citerne. D’authentiques documents (archives communales de Latour de France) nous signalent:

  • Le « Grand logis » qui comprenait :  

     Au rez-de-chaussée, d’une part, une grande salle, dite la « Salle basse » qui était le lieu de réunions et d’affaires, et, au besoin, la pièce de réception. D’autre part : la cuisine et ses dépendances : le pastadou (le pétrin), et le magasin.  Au premier étage, juste au-dessus de la grande salle dites : « Salle basse », d’une part, les appartements de Madame (2 chambres) et ceux de Monsieur (1 chambre et 1 cabinet de travail), et d’autre part, une antichambre et diverses autres pièces : chambre verte, chambre rose, et chambre de service, et au deuxième étage, des greniers, et à chaque extrémité, sur les remparts, un couloir donnant accès aux échauguettes de surveillance.

  • Le « second logis » qui comprenait :
  1. La « Tina » (cave) et le cellier
  2. Le poulailler, le bucher pour le bois de chauffage et une bergerie.

     Et à l’extérieur du château, dans ses infrastructures, étaient aménagés :

  1. Des écuries pour chevaux et mulets,
  2. Plusieurs magasins pour les harnachements,
  3. Des réserves pour l’outillage agricole et forestier,
  4. Des paillers de fourrage,
  5. Des logements pour les palefreniers.

 

Article 2.- LA SURVEILLANCE.

 

  • LA TOUR.

     Ouvrage essentiellement militaire, cette tour, massive et carré, s’élève puissamment. Ses murs n’ont ni ornementations ni encorbellement, elle ne présente quelque élégance… qu’en son couronnement, avec quatre tourelles d’angle reliées par une balustrade dont le crénelage ne manque pas de fantaisie.

     Elle n’a pas été construite pour être admirée, ni pour être vue, mais pour voir.

     C’est une tour de surveillance, tenant sous son regard la plaine au-delà de la ville, plongeant par-dessus le château, dans la vallée qui est suivie depuis son tournant au-dessous des remparts, jusqu’à son défilé d’amont, le point-limite de ce côté est Sainte Eulalie, et Sainte Eulalie est, en même temps, le point-limite de la vue du Château de Rasiguères dans cette direction.

     Fenêtres ouvertes dans les quatre directions, rien ne peut échapper à la surveillance de ses guetteurs sur les pentes et le torrent qui descend de Cassagnes, ni sur les crêtes et les flancs de la Tourèze, ni sur les « Pujades » de Montredon.

     Elle est en liaison optique avec la tour de signalisation de Tautavel, et avec Força-Réal, mais elle n’est pas elle-même une tour de signalisation, sa position ne lui permet pas de transmettre. Son rôle de surveillance, s’arrête à la ville même. Nous verrons plus loin qu’elle est en communication immédiate avec le guetteur du château dont la guérite est à portée de voix, par-dessus le toit de la vieille église, en effet, l’échauguette du château se présente à moins de vingt mètres.

    Elle peut éventuellement devenir une tour de défense, ses murs ont plus d’un mètre d’épaisseur. Le rez-de-chaussée est bourré de travaux de maçonnerie contre les travaux de sape. À ce niveau du sol aucune entrée n’est prévue, cependant un espace restreint y est aménagé, pour faciliter le tir des archers à travers deux meurtrières. On ne peut pénétrer dans ce poste de tir, que par le haut, au moyen d’une échelle à main partant du premier étage.

     À chaque étage, la voute est percée, et ce n’est point l’installation de l’horloge qui a provoquer ce « trouage » des voutes, le mécanisme d’horlogerie ne fait qu’utiliser un passage déjà existant, comme il était en effet d’usage pour les forteresses peu importantes. Elles furent « crevées » pour le passage rapide des munitions et du matériel de combat, et c’était aussi par ces ouvertures que l’on pouvait accéder aux étages supérieurs par le jeu d’échelles à main.

     La porte, est située au premier étage, aucun escalier n’est prévu à l’extérieur. On y accédait par une échelle à main que l’on tirait à soi après l’avoir gravie. Actuellement un escalier quelconque relie cette porte au sol de la vieille église, mais cet escalier masque en partie une ancienne porte aujourd’hui murée dont la voussure est toujours visible.  Cette ancienne porte n’est autre, que l’aboutissement dernier de cette rue que l’on nomme aujourd’hui « l’impasse du clocher ». Elle s’ouvre sur la même face que les meurtrières dont nous avons parlé plus haut et au même niveau. Ainsi, l’accès à la porte était bien défendu.

     Il est malaisé de se rendre compte de l’ancien état des lieux, du sommet de la tour, on peut quand même remarquer la trace d’un ouvrage qui devait protéger la porte « basse » à l’extérieur du mur, se trouvait une placette d’armes sur laquelle donnent les deux meurtrières. Cependant au rez-de-chaussée de la tour, on aperçoit nettement les traces de l’ancien niveau du sol, qui fut creusé lors de la construction de la nouvelle église pour le mettre au niveau du sol plus profond du nouvel édifice.

 

  • La COURTINE.

     Ouvrage destiné à renforcer l’efficacité de la tour, c’est une muraille, qui dans les fortifications, relit et met en communications deux tours. Les deux tours réunies par la courtine sont : d’une part, la grande tour du clocher, qui nous est restée, et, d’autre part, une autre tour plus petite, moins puissante et moins élevée, faisant corps avec les murailles extérieures, et qui défendait, sur les remparts la « plage » du cimetière, une tour flanquante. Telle quelle, cette tour a disparu, pour les mêmes raisons que la « plage » du cimetière et le cimetière lui-même, dans la construction de l’église II et III, elle fut utilisée comme pilier d’angle, c’est la partie aveugle dans notre chapelle actuelle des fonds-baptismaux.

     Cette courtine supportait un passage en terrasse sur le cimetière, passage dont la longueur a nécessité la construction de quatre arches de soutènement qui se juxtaposent au mur. Ces arches reposent sur des pilastres qui donnent appui aux arceaux de l’Église. Au-dessous de ces arches nous remarquons trois ouvertures.

  1. L’une à l’Est, est la porte « basse » du clocher, dont nous avons parlé plus haut : au-dessus d’elle, entrant dans le clocher s’ouvre la porte du premier étage.
  2. L’autre au Sud, sous la deuxième arche, était la porte donnant passage dans le cimetière à travers le mur de la courtine.
  3. Une troisième porte, beaucoup plus importante, mais invisible de l’intérieur, ouvre à l’Ouest à mi-hauteur du rempart du boulevard et nettement dessinée : juste au débouché de la courtine, dans un angle mort, et protégée par l’avancée de la tour flanquante : c’est le type de poterne qui permet des sorties secrètes « à l’improviste ».

     Nous reparlerons de ces détails dans la « défense de la périphérie, à l’Ouest ».

     Qu’il suffise, pour le moment, de remarquer que la courtine est en directe relation avec la tour, et ne peut être utilisée que par les hommes d’armes postés dans la tour : on y accède en effet par une unique porte qui se trouve au deuxième étage de la tour.

      Surveillance, éventuellement défense, tel est le rôle de cette tour imposante, et solide, n’a jamais « bougé » de place, par ce que son rôle exigeait quelle resta face au château, tandis que l’église, d’abord bâtie sur un de ses côtés fut ensuite rebâtie du côté opposé.

 

 

Article 3.- LA PROTECTION.

 

 La protection couvre toute la Région militaire, selon des modalités diverses, elle est adaptée aux conditions des lieux ou proportionnée à l’importance des organes à protéger. C’est la raison pour laquelle nous pouvons distinguer un système de protection différent selon qu’il s’agit du centre de cette région ou de ses extrémités.

 

  • AU CENTRE : 

     Le dispositif consiste en une triple ceinture de rues, un triple retranchement, autour du château. Le château est évidemment le « centre nerveux », d’importance capitale.

     Du côté des fortifications, faisant face à l’Ouest, en arrière du chemin de ronde des remparts (boulevard Corronnat), enfermé dans de hautes murailles, il « tient le front » du secteur principal : le pont, le fleuve et la route. Mais du côté de la ville, isolé, non seulement, il ne distingue qu’une seule porte d’entrée principale, mais aucune bâtisse étrangère n’est en communication avec lui, et d’un bout à l’autre, il est longé par une rue.

     Quand cette rue touche le rempart, d’un côté, le mur du château s’y termine par un passage en chicane dominé par un poste de vigie juché au sommet de l’angle de la vieille église, et la aussi le château surveille de haut par une échauguette.

     Il suffit de lire le tableau ci-dessous, pour se rendre compte de la disposition en triple ceinture des rues de la région militaire.

 

PREMIÈRE LIGNE : 

Rue
Gilbert Brutus. (2)

Place d’Armes. (3)

Rue de l’hôpital. (4)

  ---------------

DEUXIÈME

LIGNE :

Rue longue. (5)

Rue du Four. (6)

Impasse du Clocher. (7)

Prolongé par la Tour. (8)

et sa courtine. (9)

-------------------

TROISIÈME LIGNE :

Rue Roger Salengro. (10)

Place de la Liberté. (11)

Rue de l’église. (12)

 

 

Liaison entre

PREMIÈRE et
DEUXIÈME ligne 

-----

Rue étroite. (13)

Rue du Four. (6)

La Place d’Armes. (3)

 

  

 

 

 

 

 

 

Liaison entre

Les trois lignes 

----- 

Rue du château. (15)

 

 

 

 

 

  

 Liaison entre

DEUXIÈME et
TROISIEME ligne 

----

Rue Colbert. (14)

Rue du Four (côté puits)

(6)

 

     La troisième ligne, qui marque la limite de la région du château vers la ville, est la principale rue urbaine, ce n’est pas sans raison qu’elle était autrefois la rue des commerçants.

 

  • AUX EXTRÉMITÉS.

      Le dispositif diffère selon la situation des quartiers Nord et Sud, le premier est situé sur la hauteur, l’autre dans la déclivité qui s’acconte (s’accentue) à partir de la rue de la Mairie.

  • Quartier haut, depuis la Rue Étroite (13), jusqu’au bec Nord des fortifications (18), nous pouvons reconnaitre :
  1. Sur le bec : un bastion (19), et sa « plage » : la place Bellevue (20), plate-forme de manœuvre.
  2. En arrière : vers le Sud, un labyrinthe, entre le bastion (19) et la place de l’huile (22), aujourd’hui dénommé : place Valmanya.
  3. Vers l’Ouest : un labyrinthe :la Roquette (21), à l’aboutissement de la rue de la Roquette, ainsi nommée par ce qu’elle termine sur le rempart par une « rocade : petite corniche taillée dans le roc ».
  • Quartier bas, depuis la rue de la Mairie (23), jusqu’au bec Sud des fortifications (25), nous pouvons reconnaitre :
  1. Sur le bec : un bastion (24), et sa « plage » : la place de la Seillière (26), plate-forme de manœuvre importante, la route arrive juste en-dessous.
  2. En arrière du bec, et disposées en échelon suivant la déclivité du terrain : deux rues rectilignes pour l’accès rapide du rempart ; la rue de la Seillière (27) et la rue ancienne de la Mairie (28), aujourd’hui : rue Justice de Paix.
  3. Au haut de la déclivité, faisant charnière avec la région centrale : la rue (actuelle) du Presbytère (23) qui desservait la « plage » du Cimetière (lieu où est bâtie l’église actuelle).

     Nous verrons plus loin le rôle de la « Grand’ Rue » qui fait la liaison avec entre les trois dernières rues dont nous venons de parler, et dont l’objet est le service rapide des « plages » situées sur le rempart.


La Grand'Rue

 

 

Article 4.- LES COMMUNICATIONS. 

 

     Nous voulons parler surtout des communications vers l’extérieur de la région militaire du château, parce que c’est là surtout que joue la protection. Mais les communications à l’intérieur de la région sont à relever, et cela rapidement, car une seule artère met en communication la vieille ville:  la « rue Longue ». C'est l’artère vitale, la seule, qui joint les centres essentiels d’habitat et de ravitaillement en cas de siège prolongé.

     En dehors des maisons plus ou moins confortables (on n’y regarde pas de si près en temps de guerre) qui pouvaient l’abriter, la population y trouvait le ravitaillement en pain à la « rue du Four », et en huile à la « Place de l’huile » aujourd’hui : Place Valmanya, et le château tenait en réserves sa « bergerie » pour la viande fraîche, ses « paillers » pour la nourriture du bétail, et sa « Tina » pour le vin.

     Tous ces « centres » ne sont en communication que part: la « rue Longue ».

     Sans doute, cette rue aurait pu traverser la dite région en droite ligne, dans toute sa longueur, mais par prudence, on a donné cette forme et ce développement irrégulier si typique des rues du Moyen-Âge, avec des renfoncements, des impasses, des angles morts, des décalages, des incurvations… si utiles en cas d’investissement. Car l’investissement reste toujours possible, malgré les précautions qu’ont prises les bâtisseurs, et que nous remarquons au point de contact entre l’intérieur de cette région et son extérieur.

 

  •  Communications vers le NORD et vers le SUD. 

     À chaque extrémité des fortifications on ne peut pénétrer dans la ville qu’au deux points de départ de la troisième ligne :

  1. Au Sud, la rue Aristide Briand (33), se rétrécit au point de ne permettre le passage que d’une seule voiture, et débouche juste derrière le bastion Sud (24).
  2. Au Nord, la rue Roger Salengro (10), se termine de la même façon (actuellement avec moins de netteté), et débouche derrière le bastion Nord (18).

 

  •  Communications vers  l’OUEST.

     On peut relever le long des fortifications divers passages en chicane disposés au débouché des rues sur les remparts :

  1. Au bout de la rue Gilbert Brutus (17).
  2. Au bout de la rue de la Mairie (29).
  3. Au bout de la rue de l’hôpital (30). C’est là un passage important dont la largeur accepte voitures et attelages. Il est surveillé de part et d’autre par l’échauguette (32) du château et par le poste de vigie (31) de la vieille église.

 

  • Communications Vers l’EST.

     Tout le monde remarque le passage vouté à galerie sous lequel s’engage la rue du château (15), c’est manifestement un ouvrage de surveillance militaire, et, au besoin de défense, qui contrôle avec efficacité l’accès au château.


Le passage vouté de la rue du chäteau

     Mais tout le monde ne remarque pas ces curieux passages si resserrés qu’aucune voiture ou aucun attelage ne peut s’y engager. Ce sont de vrais goulets que ces rues qui débouchent dans la ville, tels que sont: la rue Kleber (14), et t la rue du Four (16), côté du puits. Nous verrons ultérieurement leur prudente disposition par rapport aux rues correspondantes du bourg.

     En conclusion, la « zone » du château, est organisée à l’intérieur pour recevoir éventuellement la population, est protégée à l’extérieur par des issues en chicane, s’articule avec le bourg par l’intérieur, par des goulets dont l’obturation facile, permet d’isoler rapidement la région militaire. Et la rue du château est la seule qui demeure largement ouverte… mais elle peut être totalement neutralisée grâce au poste de garde vouté et ne peut en réalité atteindre l’entrée du château que par un décalage à travers la Place d’Armes.

 

Article 5.- LA DÉFENSE de la périphérie.

 

     Que l’on aborde la région militaire du Nord, du Sud, de l’Est, ou de l’Ouest, on se trouve toujours en présence d’une organisation défensive dont tous les éléments sont en place.

  • Voici comment, les fortifications se présentent à l’Ouest.

 

     On y reconnaîtra les éléments déjà examinés :

  1. La tour.
  2. La courtine.
  3. La tour flanquante.
  4. La poterne de la courtine au droit de sa jonction avec la tour flanquante.
  5. La « plage » du cimetière.
  6. Le poste de vigie, au sommet de l’angle N-O de l’église vieille.
  7. Une échauguette du château.
  8. La « plage » de la terrasse du château.
  9. La placette de l’église, partie de la « plage » du cimetière.
  10. La rue du presbytère, ou rue de l’accès à la « plage » du cimetière.

  • (A) . La défense périphérique de l’EST, côté de la ville.

 

  • (B) . La défense du quartier SUD :

 

  • (C) . La défense du quartier NORD :

 

 

     Nous ne saurions mieux conclure ce chapitre qu’en présentant la totalité du plan exact de la région militaire.


Ce plan complet: 

  1. Met en évidence la rue Longue comme artère économique principale, la seule, qui joint les centres essentiels d’habitat et de ravitaillement en cas de siège prolongé
  2. Indique les communications de l’intérieur vers l’extérieur, fait état de la défense de la périphérie,
  3. Situe exactement par rapport au château les fronts Ouest et Est, et les quartier Nord et Sud : et rassemble ainsi les plans donnés figures: 21,22,23,24.

 

     Au Moyen-âge, les places systématiquement organisées comprenaient deux ou trois enceintes qui se commandaient de l’intérieur vers l’extérieur, l’enceinte intérieure était dominée par un réduit, citadelle ou donjon.

     La région militaire du château répond à cette conception, quant à la protection et à la défense, elle constitue un refuge très efficacement protégé dans toutes les directions, et susceptible de fournir hébergement et assistance ; enfin, son château est bien au centre de trois enceintes. Si le village, n’était constitué que de ce quartier de la région militaire, Latour serait seulement une forteresse, comme Quéribus, et Peyrepertuse. Mais Latour est une ville.

     Une ville que sa situation frontalière expose à des dangers, c’est pourquoi ses relations sont directes avec le dispositif militaire du château, et les nécessités de la vie citadine ne font pas perdre de vue les indispensables précautions de sécurités.

 

 

Section B.

RÉGION URBAINE. – Le Bourg.

 

Ce plan partiel de la ville donne la disposition de la région urbaine, destinée à l’habitat. 

     Cette région occupe, à l’Est du château, un emplacement de forme irrégulière : une sorte de trapèze qui serait posé sur un plan incliné, vers le haut, son côté Ouest longe la région militaire du château, vers le bas, son côté Est, longe la route montante du Faubourg, ses deux autres côtés de longueur inégale limitent la ville vers le Nord et vers le Sud. Destinée à l’habitat, cette région comporte des rues ouvertes aux relations extérieures, et de communication facile avec la région du Faubourg.

     Mais cette facilité de relations, normale en temps de paix, présente en temps de guerre de gros inconvénients. Nous sommes en effet en pays de frontière, et si vers l’Ouest, comme nous l’avons vu, le château garanti la ville de toute surprise, il n’en est pas de même du côté opposé. En cas d’investissement les hommes de guerre et leurs chevaux passeraient par le bourg et auraient vite fait d’occuper la ville entière. Il faut donc se garantir de ce côté : non pas à la manière du château dont la région se prête à la fortification, mais à la manière citadine, avec des moyens urbains. Et les moyens urbains qu’on peut ici utiliser, ce sont les maisons, les rues, les déclivités du terrain. C’est par le jeu de ces moyens disposés convenablement que l’on pourra créer des difficultés à l’envahisseur, lui ménager des surprises, susciter des hésitations, provoquer de fausse manœuvre, et freiner sa progression. Voire en limiter la visibilité et en réduire l’efficacité ou la portée des armes, tout en laissant aux habitants la disponibilité des sorties de secours, et la facilité des passages d’une rue à l’autre, soit par l’extérieur soit par l’intérieur des maisons, en un mot, offrir la possibilité d’un repli prudent vers le château.

     C’est cette préoccupation qui a commandé la disposition, ou l’aménagement des rues du bourg, et pour le démontrer, il n’est pas nécessaire d’entrer dans des détails oiseux, puisque c’est l’ensemble qui importe. Nous allons donc procéder d’une manière différente de celle que nous avons utilisé pour la section précédente, une méthode moins stricte, mais aussi plus commune, nous permettra de réaliser une description à la fois complète et attrayante.

         Supposons donc le cas d’un ennemi se présentant par surprise à l’entrée de la ville. Nous disons bien par surprise… par ce qu’il existe bien des moyens de parer à une telle surprise, et dont nous reparlerons à propos de la région du Faubourg dans la section C.

 

 

Article 1.-

Rues Notre-Dame, et affluentes.

 

      Disons donc : un ennemi, venant par la route d’Estagel, se présente à l’entrée de Latour : Place Vézian (55) 

 

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La Place VEZIAN (aujourd'hui, la Place Marcel Vié)

     Il peut se lancer dans deux directions, dont l’une est la rue du Faubourg (56) (aujourd’hui Avenue Guy Malé), mais c’est peu probable parce que son but est de rentrer dans la ville et non point de se promener à l’entour. Il délaisse donc la rue du Faubourg (56), et il s’engage délibérément dans la rue qui vient tout droit devant lui, et qui a bien l’air de pénétrer au cœur du village. Elle porte le beau nom que beaucoup de villes françaises fortifiées avaient choisi pour leur porte d’entrée, leur pont d’accès, la rue principale de leur faubourg: lue Notre-Dame. (49).

     L’homme se dirige donc vers cette rue rectiligne en vérité, mais elle monte, et vers le haut de plus en plus fortement. C’est une difficulté, car celui qui vient d’en bas, est en état d’infériorité par rapport à un adversaire qui viendrait d’en haut. Mauvais, cela… Peu importe, il s’y engage avec circonspection. Or, tout de suite à sa gauche, une autre rue : la rue Saint-Joseph (54).

     Encore une rue qui monte ferme, et tout de suite, et puis qui tourne. Il passe. Et puis, à sa gauche, une rue s’ouvre, étroite, minuscule, un couloir sans nom (48), qui aboutit à un mur, pas de visibilité : l’homme flaire là un danger, et il passe.

     Enfin, à sa droite enfin, une bonne rue s’ouvre, mais qui vire sec (50). Prudemment il s’engage, et aboutit à des greniers, des paillers, car la rue le conduit dans la campagne : c’est le quartier des FARRATCHALS (rue des Farratjals). Il revient donc en arrière et continue à monter dans la rue Notre-Dame (49).

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La rue Notre-Dame 

     Mais au moment où la rue va tourner, voici que s’ouvre, à sa gauche courte et montante la rue du figuier (47). Là, non plus, pas de visibilité, on ne voit, en face qu’un mur. Passant outre, notre homme s’engage avec prudence, dans la partie haute de la rue. Peine perdue : en face de lui un mur, à sa gauche une rue commerçante se pousse par saccade dans le tournant et s’y place en dent de scie, à sa droite, plus loin, il aperçoit une masse compacte et l’engagement d’une chicane : c’est le chapitre (37). Soudain, à deux pas à droite, le mur semble s’ouvrir dans une faille : c’est le goulet de la rue Colbert (14). Non, ces lieux ne sont pas sympathiques. Il y a peut-être un chemin plus sûr pour atteindre le cœur du village. Et il redescend sans désemparer, avec l’idée d’explorer la rue Saint-Joseph (54), qu’il a remarqué au bas de la pente.

 

 

Article 2.-

Rues Jean Jaurès et affluentes.

 

     Le revoila donc sur la Place Vézian (55). Il s’engage dans la rue Saint-Joseph (54), qui part en oblique, qui monte très vite, et qui tourne plus loin, de telle sorte qu’il n’en voit pas nettement la direction définitive.

     À peine s’y est ‘il engagé, que sur sa gauche, un cul-de-sac l’inquiète. Une rue s’ouvre sur sa droite : la rue Jean-Jaurès (46). Magnifique : elle va tout droit, elle semble parallèle à la rue Notre-Dame, mais elle monte bien rapidement, et au bout on ne peut apercevoir qu’un mur. Il faut aller voir ça.

     Dès les premiers pas, il reconnait à sa droite ce fameux couloir sans nom (48), qui est propice aux surprises traitresses, et favorable aux défilements rapides et discrets. Continuant la montée, il rencontre à sa gauche une rue qui, enfin, ne monte ni ne descend : la rue Béranger (45). Mais cette rue, bien courte et tranquille, butte contre un mur. On verra cela plus tard.

     Tout de suite, s’ouvre une autre rue, qui descend ferme, butte elle aussi, contre un mur. Il la reconnait : c’est la rue du Figuier (47), et ce mur d’en face est celui des maisons de la rue Notre-Dame qu’il a déjà suivi tout du long. Plus confiant, il précipite, sa marche, car il certain, qu’en haut il va découvrir l’aboutissement de cette rue en dents de scie (56) qui semble un centre de commerce. Mais arrivé au sommet, il se manifeste en lui une certaine perplexité. Déjà rendu méfiant par un cul-de-sac qui s’est brusquement démasqué à sa droite, il se demande où peut bien aboutir le passage souterrain qu’il a noté vers le sommet de la rue Notre-Dame.

     Or voici qui se révèle tout à fait inquiétant : Arrivé au bout de la rue Jean-Jaurès, l’homme se trouve sans trop savoir ni pourquoi ni comment, au centre d’un carrefour supérieurement organisé ; il en reste pantois ! Là en effet aboutissent cinq rues, mais aucune n’est dans le prolongement de l’autre, et par le fait d’un quintuple décalage, chaque rue arrive au même point, et n’a de vue que sur un mur.

     De fait, si cinq hommes arrivaient là en utilisant chacun une rue différente, ils ne se verraient qu’au moment précis où ils entreraient en contact. C’est un chef d’œuvre de traquenard. (60). et surcroit, droit devant lui, le mur qui lui fait face, et qu’il visait depuis le bas de la rue, cache, à deux pas à gauche, le débouché d’une des cinq rues en question. C’est le goulet de la rue du Four côté puits (16). Encore un goulet !

     Mauvaise affaire ! Et cette rue montante, qui semblait si dégagée menait à la souricière, porte le nom de: rue de L’enfer.

 

 

Article 3.-

Rues Saint-Joseph et affluentes.

 

     Notre envahisseur revenu au bas de cette infernale rue Jean-Jaurès, cherche à présent un cheminement plus assuré en poursuivant sa visite de la rue Saint Joseph. Mais la rue Saint-Joseph (54) ne va pas très loin, très vite, elle se termine en plein tournant et bifurque. En effet la montée continue à droite par la rue Anatole France (44), mais cette rue ne part pas en ligne droite : elle monte en fléchissant sur sa droite, et cet air penché limite la visibilité et favorise les défilements. C’est pourquoi notre homme opte pour la rue à gauche : la rue Saint-Martin (51), qui va tout droit, mais l’on n’en voit pas l’aboutissement : un tournant la dévie à son extrémité. Cependant elle se développe en palier, et ce n’est point désagrément. Ce qui l’est, c’est qu’immédiatement à la gauche, une rue descend à une allure de casse-cou, et elle porte bien son nom, c’est la rue du Danger (53).


La rue du Danger. 

     Elle ne présente aucun intérêt puisqu’elle aboutit elle aussi rue du Faubourg (Avenue Guy Malé) qui ramène à la Place Vézian (55). 

     Cette rue du Danger, en pleine pente, ouvre la voie à une autre rue (52) qui par vers la droite, mais qui n’offre pas non plus d’intérêt puisque, par un tournant brusque, elle aboutit aussi à la route, qui ramène à la place Vézian. D’ailleurs la rue Saint-Martin par un cheminement plus long, aboutit-elle aussi à la route, laquelle ramènerait toujours au départ de la place Vézian. Et tout cela retarde la marche, et tout cela fait perdre le temps.

     C’est le cœur de la ville qu’il faut atteindre. Donc, il vaut mieux s’engager lui semble-t-il dans la montée de la rue Anatole France (44), qui elle du moins n’a pas l’air de partir dans la direction de la route.

 

 

Article 4.-

Rues Gabriel Péri et affluentes.

 

     Elle n’a pas seulement un air penché, cette rue montante… Dès son départ, une subite défaillance à sa gauche révèle un enfoncement de caractère inquiétant, suspect, cela peut être un repaire. Dans cette rue, néanmoins (44), les choses semblent avoir quelque aisance d’allure vers le milieu de la côte. Là, s’ouvre à droite, une rue large et courte et qui butte sur un mur. Mais l’homme reconnait les lieux : c’est la rue Béranger (45) et le mur d’en face est celui de la rue Jean-Jaurès, ce mur sans doute empêche la visibilité, mais l’homme sait qu’un peu plus haut, s’ouvre la rue du Figuier qui descend sur la rue Notre-Dame.

     Tout va bien : peu à peu il reconnait toute une partie du plan de la ville. Il se sent d’autant plus à son aise, qu’avec un léger décalage il constate la présence, à sa gauche, d’une grande rue, correcte, avenante, la rue de l’Orphéon (43), où l’on peut fort civilement déambuler. Mais cela ne dure guère : une bifurcation se présente qui ralentit la marche du « promeneur ».

     À sa gauche, une rue rectiligne, agréable, la rue de la Fontaine (42), descend en pente douce, mais d’un coup d’œil expert l’homme a vite fait d’identifier, à l’autre bout, l’éternelle route qui le ramène à son point de départ : non ce n’est pas ce chemin qu’il faut prendre pour aller au cœur de la ville.

     Il dirige donc ses pas dans la rue Gabriel Péri (38) qui part tout bonnement sur la droite, en palier. On ne voit pas trop où elle aboutit, elle s’infléchit légèrement, comme « avec l’air de ne pas y toucher ». Et tout à coup, là, à droite, se dresse une tour (59), austère et froide ; (l’emplacement de cette tour sis à l’intersection des rues Aristide Briand et Gabriel Péri n’est malheureusement plus visible aujourd’hui).

     Au-delà de cette tour, s’aperçoit le bastion Sud (25) des fortifications, et la rue se resserre dans un engorgement face au menaçant Serradet, et en deçà de cette tour, s’enfonce, à droite une petite rue, étroite et peu « circulante », insidieusement elle se faufile comme un « boyau » : c’est la rue de l’Arc (39).

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La rue de L'Arc.

     Quelques pas, prudents pour conclure que l’on va ou bien dans une impasse, ou bien vers quelque chose de plus périlleux : une chicane. Et c’est en effet une chicane aux allures de coupe-gorge qui fait reculer l’homme et lui fait prendre en sens inverse la rue Gabriel Péri qui l’avait conduit jusque-là.

 

 

Article 5. –

Rues Anatole France et affluentes.

 

     Revenu au point de départ de la rue de l’Orphéon, le voici maintenant engagé dans la dernière côte de la rue Anatole France. Il voit bien, au sommet, devant lui, encore et toujours un mur, mais rien que l’aspect de la façade lui fait pressentir une rue importante.

     Quelques pas avant d’aboutir, sur la gauche, un porche se dessine, avec une simplicité de bon aloi. Toutefois l’homme n’a pas tort de rester sur ses gardes : il veut examiner cela de près, car ce porche donne voie sur une rue qui part en diagonale : la rue de l’Arc (42) et ce porche (40), fait face à une ruelle qui s’ouvre dans son axe (41).

     Ce qui a arrêté sa marche, c’est cette chose qu’il n’a encore jamais rencontré : un croisement régulier. Deux rues qui se coupent ainsi en angle droit, après tous ces décalages, toutes ces chicanes, tous ces goulets, l’interpelle et l’inquiète. C’est même trop beau pour être honnête : ce croisement cacherait-il un « chausse-trape ». ? Faut vite passer ces « Quatres-Coins ». Mais avant de se lancer sur la Place de la Liberté (35), il faut, tout de même s’assurer de l’état des lieux.


La Place de la Liberté.

     Vers la droite, au fond, il reconnaît l’entrée du goulet, déjà vu de la rue du Four (côté puits) (16). Vers la gauche, sur le saillant formé par la jonction de la rue de l’église (34), et de la rue Aristide Briand (33) : se dresse une tour dont l’empattement se reconnait encore aujourd’hui à la base de la maison sise en ce point. Enfin voici le but qui semble se dévoiler En léger décalage par rapport à la rue dont l’homme vient de déboucher, s’ouvre, régulière, simple, et accueillante, à tout autre qu’un ennemi, la rue du châteaux (15).

     Toutefois, elle présente un passage voûté, positivement belliqueux, et si on réussit à le franchir, on ne trouvera point la porte du château, mais un terrain découvert, dont le nom évoque la parade en temps de paix, mais celui de la bataille en temps de guerre c’est : la Place d’Armes.

     Notre homme a pratiquement exploré toutes les rues du bourg, et il a été toujours arrêté exactement à la rue qui limite la région de défense, la région militaire du château.

 De cette longue artère, il connait : Dans la portion Nord : la rue du Commerce (rue Roger Salengro), le goulet de la rue Colbert (14). Et s’il ne s’est pas avancé plus loin dans cette direction, c’est que l’entrée de la rue de la Glacière (37), lui présentait une chicane peu engageante sous la masse « rempardée » du Chapitre. Il connait aussi , dans la portion Sud : la Grande rue (rue Aristide Briand), et ces deux tours qui montent la garde l’une en bas, l’autre en haut quand le rue tourne légèrement avant de filer droit dans une pente rapide. De fait, cette rue a une réelle importance : elle établit la communication entre les trois rues rectilignes qui desservent les « plages » de manœuvre de la Seillière et du Cimetière. Il connait également, cette longue artère, et le carrefour central, ce véritable traquenard organisé magistralement devant le goulet de la rue du Four (16).

 

Nb - Voir plan et figures ci-dessous. 

 

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Section C.

RÉGION RURALE. – Le Faubourg

 

Ce plan partiel de la ville donne la disposition de la région rurale, organisée pour l’exploitation des terres.

 

     Cette région s’étend sur les côtés Nord-Est et Sud-Est de la ville, et son artère principale: le Boulevard du Faubourg ( l'actuelle Avenue Guy Malé), met en communication ses deux extrémités, et en même temps, la sépare du bourg proprement dit.


Le Boulevard du Faubourg

     Le faubourg, constituant ainsi les limites du bourg, tient de lui son apparence, mais seulement son apparence : c’est un « faux » bourg. Il est organisé pour jouer un rôle différent. Son propre rôle, est de conduire les habitants du bourg vers leurs lieux de travail par les chemins d’exploitation, et en même temps de faciliter les relations du bourg avec l’extérieur par les routes.

         Cependant nous verrons qu’une mission spéciale lui est dévolue dans le dispositif de défense de la ville en temps de guerre.

 

 

Article 1.- L’EXPLOITATION. 

 

     Il est un quartier du faubourg que l’on désigne par un vocable ancien dont beaucoup ignore le sens exact. Nous voulons dire : la rue des FARRATCHALS, au Nord-Ouest du village, à proximité des terres qui descendent en pente douce vers l’Agly, et qu’irriguent le canal d’arrosage (dit d’Estagel), et le Regat. Ces terres sont désignées par des noms usuels caractéristiques, les lieux-dits familiers à nos cultivateurs : la Bernède, las Feiches, Gournès, et il y a un rapport direct entre ces lieux, leur appellation et le quartier des Farratchals.

  • FEICHES.    Est le mot qui correspond au Catalan Feixaç, et au français Faisceaux, ou même Faix (Fagots).

     La feiche : est une sorte de barrage constituée de fagots de bois et de roseaux reliés ensemble et consolidés par des pieux et des pierrailles, et cela pour former une murette de soutènement qui retient la terre, et nos terres de las Feiches sont de bonnes terres de culture, retenues sur la pente et arrosées par des canaux.

  • BERNEDE.   Est le mot qui correspond au français Berne, et au catalan BERN qui veut dire : bord, talus…Et notre Bernède c’est bien le talus qui borde l’Agly au-delà de las Feiches.
  • GOURNÈS. Est un vieux mot d’origine bas-languedocienne ou provençale qui indique une région humide et marécageuse, le coin préféré des « gournilhs », le coin des grenouilles.

     Cultures et marécages, prairies et herbages, terres assouplies par l’irrigation des canaux, c’est une région d’exploitation agricole, et les paysans trouvent à proximité les greniers pour les récoltes, les granges et les paillers pour les fourrages, dans le quartier des « FARRATCHALS ». Ce vieux mot de « Farratchals » a bien ce sens précis, on le retrouve dans beaucoup de villages et de fermes pour désigner ces bâtisses rurales qui, près des maisons d’habitations et à l’abri d’une clôture, gardent fourrages et moissons. De même, que le mot de FARRAGO veut dire : mélange de graines, de lui est venu le mot FOURRAGE, et le mot de FOURRAGÈRE pour désigner la charrette aménagée pour le transport du fourrage, le catalan dit : LO FARRAT ; le FARRATCHAL étant le dépôt du farrat.

 

 

Article 2.- LE MARCHÉ

 

     Allons à l’autre bout du Faubourg. En remontant la rue, nous rencontrons la rue de l’Abreuvoir (62). C’est le quartier des écuries, situées là parce qu’elles sont ainsi proches du Torrent, et la rue est large et facile, et conduit vers le bas, aux champs et vers le haut, aux vignobles et aux olivettes des collines.

      Voici la place du Marché. Autrefois centre agricole par excellence… aujourd’hui, les foires et les marchés se tiennent sur d’autres emplacements communaux, la poste et la bascule publique ont disparu.


La place du Marché et l'ancienne Poste.

     Toutefois, il n’est que de considérer le plan cadastral pour se rendre compte que cette place du marché est un centre de relations extérieures, c’est le point de jonction de la ville et de la campagne, point d’arrivée des routes des villages voisins, et point d’arrivée de la rue qui vient en pente douce du centre bourg.

     Que l’on remarque bien cette dernière rue, qui porte le nom de rue de la fontaine (42).

     Nous connaissons, pour pénétrer dans le village, les rues qui partent de la place Vézian (55) et qui offrent une montée rapide : ce sont des rues de pénétrations difficiles. Mais cette rue de la Fontaine (Hyppolyte Marty), qui part de la place du marché, présente une monté plus douce, régulière, et en ligne droite : c’est une rue de faciles relations. De toutes les entrées de Latour, celle-là est de toute évidence l’entrée civile. Les autres répondant diversement selon leur situation, à des préoccupations d’ordre militaire.

      Cependant, il ne faut pas croire que le faubourg reste en dehors du dispositif de défense. Il se développe aux portes de la ville, et c’est par là qu’il faut passer nécessairement pour entrer. 

 

 

Article 3.- LE SERRAT

 

     Le faubourg se développe à l’abri d’une masse imposante : une colline, par un relief naturel, le couvre à l’Est, et le cache dans le creux du Torrent comme dans un repli. Ce retranchement naturel, porte le nom de SERRAT D’EN FRANC.

 

 

     Il suffit de monter sur cette colline pour se rendre compte qu’elle contrôle les deux seuls points d’accès au Faubourg, et par le Faubourg à la ville, et ces deux points sont comme par hasard, deux ponts : au Nord, le pont du Torrent (67), sur lequel passe la route d’Estagel, au Sud, le pont de la fontaine (66) sur lequel passe le chemin de Montner. En cas d’alerte, d’un signe les guetteurs de la tour, qui se dresse en face, sont immédiatement renseignés. Force est de constater que le « Faubourg » est bien protégés.

     Notons que le nom véridique de cette colline ou « Serrat » n’est pas celui de Serrat d’en FRANC, mais bien celui de : Serrat de FRANC. Cela veut dire que cette colline est un terrain militaire. Elle est exonérée de toutes taxes, on peut y faire paître les troupeaux, y ramasser librement le bois de chauffage sans rien payer, gratuitement, sans débourser : DE FRANC, c’est un terrain « en franchise ». Mais, il est interdit de bâtir en ce lieu, et chacun ne peut y accéder qu’à ses risques et périls, car le « Serrat » n’est « de franc » que parce qu’il est terrain militaire.

     Toutes ces mesures de protection et de défense, toutes ces dispositions intérieures, ces utilisations des lieux, et ces précautions nuancées, englobent la totalité de la Cité sans qu’il s’y trouve d’inconvénients majeurs pour l’une ou l’autre de ses parties ; il en résulte une unité qui ne contrarie point les diversités mais les rassemble.

     Il en résulte aussi cet aspect de belle allure qui fut donné à Latour, et qui lui est resté malgré l’éloignement des frontières de France, et le recul des siècles.

À ce point de vue, aucun village de la région du Fenouillèdes ne peut, lui être comparé.

 

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APPENDICE.

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Note 1.- Les origines de la seigneurie de LATOUR DE FRANCE.

 

     Le traité de Meaux, en 1226, met fin à la guerre des Albigeois. À la suite de cette guerre le Languedoc est intégré à la France par le traité de Paris signé en 1229, sous la régence de Blanche de Castille.

     La révolte de Raymond de Trencavel, vicomte de Béziers, d’Agde, de Carcassonne et d’Albi, et sa défaite à Montréal en 1240, donne à Louis IX (Saint-Louis) l’occasion d’organiser la nouvelle province. Très rapidement, à cause de l’insécurité qui régnait à l’époque, il fait procéder aux fortifications de Carcassonne, ainsi le gouvernement royal établit au cœur même du Languedoc un bouclier qui tient en respect l’ennemi de l’extérieur (l’Aragon), mais qui, avec non moins d’efficacité, décourage toute velléité de rébellion à l’intérieur.

      La mesure est bonne. Le pays reste calme. Et Philippe le Hardi a tout le loisir de perfectionner l’ouvrage de son père : il équipe magnifiquement la noble Cité. Il embellit ses défenses, et Carcassonne désormais profile l’élégance de sa silhouette d’outre-Loire dans le ciel du Midi.

     Ainsi le Roi de France a imposé sa loi. Mais les craintes que pourraient inspirer ses démonstrations de force son adroitement atténuées par les concessions faites aux peuples, les privilèges accordés aux corps de métiers, et les faveurs aux familles féodales déchues. Peu à peu le pouvoir Royal s’attire les sympathies, efface les rancœurs, engage les reconnaissances, et réalise, à son avantage, l’union des esprits. Et ce sera un même élan, une même ardeur, une même pensée patriotique qui dressera Occitans et Français contre l’envahisseur, quand, en 1355, le « Prince Noir » se présentera sous les murs de Carcassonne.

     C’est à cette souplesse politique des Rois de France que Latour doit d’être devenue une Seigneurie indépendante. Jusqu'à cette époque, la ville de Latour n’est qu’un fief du Comté de Fenouillèdes, et son histoire se perd dans l’histoire de ce Comté. À partir de ce moment, Latour va vivre sa propre vie.

Philippe V de Valois, dépossède les vicomtes de Fenouillet de tous leurs fiefs, qui s’inscrivent dès lors dans la Sénéchaussée Royale de Carcassonne. En 1342, il crée la Seigneurie de Latour de France de la Sénéchaussée de Carcassonne et dans la viguerie de Fenouillèdes, et en donne le titre et la propriété à la famille Du Vivier.

     Désormais Latour est ville frontière de France : et la coutume s’introduit peu à peu, de ne plus dire : Latour-de-Fenouillèdes, mais Latour-de-France.

     Elle restera ville-frontière jusqu’au traité des Pyrénées, en 1659, sous Louis XIV, à part une brève interruption quand Louis XI acheta le Roussillon en 1463 et porta ainsi plus loin la frontière de France, mais en 1492 le Roussillon fut rendu à l’Aragon par Charles VIII et Latour redevint ville-frontière.

     La ville paya chèrement cet honneur et cette charge. Elle fut détruite deux fois par l’ennemi : en 1462 à la suite de la révolution Catalane, et 1640, à la suite de la guerre Franco-Espagnole.

 

Note 2. – Vieilles rues, vieux quartiers. 

 

     Les rues sans nom ne manquent pas à Latour, et c’est assurément une lacune. Mais pourquoi ne pas avoir laissé subsister les vieux noms ?  Sans parti-pris passons en revue les changements de dénomination, précisons tout de suite que l’objet de cette note, n’est pas la remise en question des dénominations nouvelles, mais fidèle à l’esprit qui a présidé à la rédaction de ce travail, nous entendons utiliser tous les moyens possibles pour comprendre, et « expliquer » le village, et spécialement ici nous nous attachons à découvrir la raison d’être de ces vieilles dénominations.

     Elles ne furent pas en effet fabriquées au hasard, ni inventées de toutes pièces, ni imposées par décret. Mais elles jaillirent spontanément, pour la nécessité de la vie pratique, du langage simple, imagé, concret, d’un peuple ouvrier et soldat.

  • N’est-il point savoureux, dans sa malice gouailleuse, ce nom de Rue de L'ENFER autrefois donné à l’actuelle Rue Jean-Jaurès : cette rue d’apparence tranquille et pour ainsi indifférente, mais qui réserve à son sommet, la surprise d’un traquenard infernal.
  • La dénomination, des Quatre Coins n’est-elle pas plus expressive que celle : d’Anatole France pour désigner l’unique point de la ville ou deux rues se croissent en angle droit ?

     L’actuelle rue Aristide Briand s’appelait autrefois la Grand’ Rue, non point parce qu’elle était plus grande que les autres, mais parce qu’elle était, de fait une artère de grande importance en son lieu, parce que d’elle, dépendait le service du rempart dans ses « plages » et plate-forme de manœuvre. 

     Cette Grand’ Rue est gardée à chaque extrémité par une tour : d’un côté s’ouvre les trois rues de services « aux plages », mais de l’autre côté c’est une suite ininterrompue de maisons d’habitations, et voici pourquoi ces maisons-là retiennent notre attention. La régularité de ces bâtisses, et particulièrement la triple série de festons des tuiles-canal qui court en corniche, tout au long des toitures, indique le rang social de leurs habitants. Les riches et les bourgeois habitaient la Grand’ Rue. Nobles et haut-fonctionnaires (les hommes d’épée, et les hommes de robe) avaient leur demeure aux alentours du château, sur les actuelles Place de la Liberté et de la République.

     En temps de guerre, la Grand’ Rue étant réquisitionnée pour le trafic des « gens d’armes », ses habitants disposaient alors de la petite rue de l’Arc qui passe derrière les maisons et double, parallèlement, la Grand’ Rue, conduit comme elle jusqu’à la rue du Commerce (rue Roger Salengro), et, comme elle, donne accès, par les rues descendantes, aux autres quartiers du bourg.

  •  La rue Gilbert Brutus, qui longe le château portait le vieux nom de « la Roquette » cela voulait dire : rue qui aboutit à la petite rocade. (une rocade c’est une corniche creusée dans le roc, et c’est de cette façon que la rue se termine sur le rempart).

     Il n’est pas sans intérêt de noter que dans l’antique jeu des Échecs (jeu de tout temps en honneur parmi les guerriers) ROC était le terme qui désignait la pièce que nous nommons : la Tour, et que « roquer », est le terme toujours en usage pour dire : prendre avec la Tour.

     La Place Valmanya était appelée la Place « de l’huile », et la rue Roger Salengro, s’appelait rue « du Commerce » parce que là se trouvaient groupés les commerçants, au centre de la ville.

     Enfin, grâce à une heureuse et bienveillante indifférence, de vieux nom sont restés. C’est le cas de cette Rue « des Farratchals » dont nous avons déjà donné l’explication.  C’est le cas aussi de la rue et de la Place de la « Seillière ». Il s’agit d’une désignation corporative ; la SEILLIÈRE c’est le quartier des fabricants de « Seilhs », de seau, barrique, comporte et tout récipients de bois, et nul doute qu’une telle industrie est utile dans ce pays de graines et d’olives. 

  • La rue du « Four » ainsi que la rue de « l’hôpital » n’ont pas changé de nom. Il nous reste également des rues qui portent toujours le nom d’un Saint : St. Joseph, St. Martin, St. Antoine.

     Mais… sur les murs de nos maisons, des socles sont vides, aux angles des rues, des logettes de pierre autrefois agencées avec un art délicat, sont délaissées, qui supportèrent l’image d’une vénérée madone ou d’un saint, et la « rue Longue » garde, en son milieu, la trace nette d’une niche depuis longtemps obturée. Devant ces reliques d’un temps passé, on évoque sans peine ces gestes étonnants des vieilles villes d’Espagne ou d’Italie quand le peuple, aux temps de liesse ou aux heures d’angoisse, se rassemble avec ferveur, pour fleurir et prier l’antique « Saint du quartier » dont la naïve statue est juchée et comme incrustée dans la muraille, en pleine rue, à hauteur d’homme, à portée de la main, le « Saint » secourable et familier de la dévotion populaire.

     Cependant l’instinctive obstination des hommes a conserver de vieux noms que ne connait plus le Plan Cadastral, comme le quartier du « Moulin-à-vent », dont, un temps, les ailes ont tourné (un petit tour et puis s’en vont), et le nom de Rosette Blanc, qui n’a fait que se superposer aux noms qui subsiste dans les mémoires et transparait comme en filigrane : LE CROS.

     Et quand le temps, qui finit par avoir raison de l’obstination des hommes dissimule dans les replis de son manteau flottant les émouvantes fragilités des traditions qui meurent, alors et encore les pierres tenaces parlent un langage muet, un langage que tous ne comprennent pas.

 

LATOUR-DE-FRANCE, la cité d’autrefois, la ville d’aujourd’hui,
s’inscrit dans un triangle dont les trois côtés sont rigoureusement égaux : (380m.)

    Ses trois points, A-B-C sont les points où s’élèvent sur le territoire communal trois stations des « Rogations ». (Les jours des Rogations sont, dans le calendrier liturgique tridentin, les trois jours précédant immédiatement le jeudi de l'Ascension, c'est-à-dire les 37ᵉ, 38ᵉ et 39ᵉ jours après Pâques. Ce terme est encore utilisé aujourd'hui par les Églises catholique, anglicane et quelques Églises orthodoxes).

    Comme visible ci-dessus sur la figure 36: 

  • Le -A- (la Capeillette) regarde la plaine, 
  • Le -B- fait face aux collines,
  • Le -C- domine la vallée.

     Joignez ces trois points, et vous enfermez la Ville dans un triangle de protection « Divine »

     Certains seront surpris d’une telle coïncidence, d’aucuns seront ravis d’une telle concordance. Les uns et les autres pourront tout à loisir, pour embrasser du regard le village qu’ils aiment, gravir les pentes familières du SERRAT, au-delà du Torrent, car c’est là que se trouve le point final :

Un modeste monument, aux briques rongées par le soleil,
aux matériaux désagrégés par les intempéries,
mais qui se dresse, solitaire et nu,
comme un témoignage,
simple et net, comme un signal.

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Cet oratoire carré (-B-) situe, le point sur le chemin de Montner,
où chaque année le 3 mai,
était donnée la Bénédiction de la Sainte-Croix.

 

 

 

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